C'est la radicalité qui s'islamise

Le 25/11/2015

Dans Humeurs

Coran dessin
On serait en guerre! Pas si sûr. Le président a choisi des mots et des images très fortes, trop fortes sans doute, à des fins stratégiques et politiques, pour faire taire la droite et agrandir la coalition militaire contre Daech.
Mais ce qui se passe en France, ce n'est pas la guerre. Des actes de terrorisme, aussi terribles soient-ils, commis par des français, même plus ou moins liés à Daesh, ne suffisent pas à qualifier un état de guerre.

Olivier Roy l'a magnifiquement expliqué dans le Monde du 24 novembre. La France se trouve face à une radicalisation qui va jusqu'au meurtre. Mais ce n'est pas l'islam qui se radicalise, pas plus que la grosse majorité des musulmans de France. C'est la radicalité qui s'islamise. Toutes les générations ont connu une petite partie de leur jeunesse avide d'absolu, de rêve, d'idéal, de changement pour un monde meilleur. Souvenons nous des rouges de la bande à Bader, des rêves sur Mao, Staline, Castro, de tous les jeunes de France qui sont partis en Amérique du Sud sur les pas du Che, des autres qui ont cherché le rêve dans l'autonomisme régional, corse, basque ou breton, ou plus loin de nous de ceux qui sont partis se battre en Espagne. Bien plus loin, le rêve des croisés. Aujourd'hui c'est Daech qui fascine des jeunes en mal d'idéal, ça aurait pu être Al Qaida ou le GIA algérien. Le ralliement à Daesh est opportuniste.
Olivier Roy écrit: "
Il n’y a pas de troisième, quatrième ou énième génération de djihadistes. Depuis 1996, nous sommes confrontés à un phénomène très stable : la radicalisation de deux catégories de jeunes Français, à savoir des « deuxième génération » musulmans et des convertis « de souche ». Le problème essentiel pour la France n’est donc pas le califat du désert syrien, qui s’évaporera tôt ou tard comme un vieux mirage devenu cauchemar, le problème, c’est la révolte de ces jeunes. Et la vraie question est de savoir ce que représentent ces jeunes, s’ils sont l’avant-garde d’une guerre à venir ou au contraire les ratés d’un borborygme de l’Histoire".
Les explications culturelles et historiques ne suffisent pas à expliquer cette montée en puissance de la radicalisation en France. Sinon elle affecterait des centaines de milliers de musulmans, et non pas quelques centaines ou milliers. Les études montreraient que ces radicalisés sont à 75% des jeunes de la deuxième génération et à 25% des convertis.
Le trait commun entre les deux est d'abord une révolte générationnelle, comme il y en a eu tout au long des siècles. Les deux rompent avec ce que représentent leurs parents en terme de culture et de religion.
La deuxième génération n'adhère pas à l'islam de leurs parents. Ils ont commencé par s'occidentaliser, boire, fumer, draguer, faire de la prison aussi, avant d'être conquis par le salafisme, islam qui rejette le concept de culture, islam de la norme qui permet de se reconstruire tout seul. La clé de la révolte, c'est l'échec de la transmission de la religion des parents.
Quant aux jeunes convertis, assoiffés de pureté, ils adhèrent à ce qui leur parait le plus aller dans ce sens, le salafisme, islam de rupture culturelle, générationnelle, politique.
Aucun de ces jeunes ne s'intéresse à la théologie. Ils n'ont souvent que peu fréquenté les mosquées.
Alors pourquoi l'islam?
Pour la deuxième génération, c'est la reprise en compte d'une identité que leurs parents ont à leurs yeux galvaudée. Etre plus musulman que musulman.
Pour les convertis, "c'est parce qu'il n'y a que cela sur le marché". Les idéologies sont mortes, l'occident, imprégné par la logique capitaliste, sacrifie ses valeurs au profit du commerce. "Rejoindre Daech, c'est la certitude de terroriser".