L'Occident n'est plus source d'espoir

Le 21/11/2015

Dans Humeurs

Une semaine après cette terrible nuit du 13 novembre, l'émotion est toujours là. Le temps de la réflexion doit pourtant venir.

 

Certains ne verront dans ces massacres que l'effet des méfaits d'une religion qu'ils n'aiment pas, l'islam, et verront dans ces actes de terrorisme l'amorce d'une guerre de religions, voire de civilisations. La réponse pour ceux-là est simplissime: contrôle des frontières, repli sur soi, mise au pas des étrangers.
Les plus réfléchis comprendront que le terrorisme de Daesh n'a rien à voir avec l'islam, et que la quasi totalité des musulmans ne se reconnait nullement dans ces assassins, comme aucun chrétien aujourd'hui ne se reconnait dans les croisés ou les missionnaires colonisateurs.
La question est de savoir pourquoi notre monde civilisé a pu accoucher d'une telle monstruosité, et pourquoi des peuples du moyen-orient peuvent lui réserver un accueil favorable, qu'ils se nomment Daesh, talibans ou Al Qaïda.
Car le point commun de toute cette violence de ces groupes terroristes est la haine de l'Occident. Peut-être cela remonte-t-il à la chute du shah d'Iran. Le pays était alors en plein développement économique, il se laïcisait, le capitalisme y battait son plein, la consommation flambait. L'envers de la médaille fut un accroissement brutal des inégalités parallèlement à une révolution des modes de vie, bousulant les traditionnels liens sociaux, les traditions religieuses, débouchant sur un rejet fort de la société promise par cet essor économique. Le shah a payé pour avoir voulu occidentaliser le pays, en n'ayant pas vu que la condition en était des millions d'iraniens laissés sur le bord du chemin et une société en rupture avec la société traditionnelle, fait inacceptable pour la majorité du peuple qu ne profitait pas de l'accroissement du gâteau.
Le shah a été renversé. L'Occident n'en a pas tiré les enseignements, étant trop sûr de son modèle de développement. Et l'Iran a été mis au ban du monde. 
Et puis on a fait la guerre à l'Irak. Une première fois en 1990 quand Sadam Hussein a envahi le Koweit, dans le but de faire revenir dans son giron une région qui n'aurait jamais dû en partir. Et une seconde fois entre 2003 et 2011, pour et après la chute du dictateur. 500 000 irakiens ont été tués, contre 4000 américains, un pays mis à feu et à sang, où se sont réveillées les vieilles haines tribales, religieuses, ethniques, et où on meurt tous les jours sous les bombes et les attentats. Pour assurer leur pétrole, l'Occident a continué à faire ami ami avec ce qu'on nomme les monarchies du golfe, à la fois réactionnaires et radicales, minuscules mais détenteurs de l'essentiel des richesses naturelles, et fournisseurs de pétrole et acheteurs d'armes occidentales les plus perfectionnées. On a encouragé la "libération" de la Libye, mais sans assurer l'après-vente. Le remède a été pire que le mal. On a lâché Moubarak, mais encouragé Sissi qui avait pourtant viré un gouvernement élu démocratiquement, et qui aujourd'hui tue de façon la plus expéditive les musulmans réputés salafistes, mais qui achète nos articles de guerre.
Comment dans ces conditions l'Occident pourrait-il faire rêver?
L'Occident a découpé arbitrairement la région pour la maintenir sous son pouvoir. Il est le tenant d'un modéle économique fondé sur le profit et la consommation, déstructurant les société traditionnelles et débouchant sur des société inégalitaires et païennes. Il est l'allié des régimes les plus réactionnaires et éloignés des peuples.
Cette réalité a été le terreau sur lequel a poussé le radicalisme islamique, qui est avant toute chose un rejet de l'Occident, de son comportement, de son modèle de développement.
On pourra dire que la "real politic" en est la cause. Qu'il faut bien assurer nos approvisionnements en pétrole; que si on ne vend pas des armes à ces pays, d'autres le feront; et que vendre des armes est bon pour nos entreprises et l'emploi.

Sans doute. Mais ce n'est pas bon pour le moral. Sans valeurs autres que l'argent, l'Occident sera de moins en moins porteur d'espoir, et pas seulement à l'extérieur. A lui de faire son introspection et de réfléchir au modèle de société des prochaines décennies.