Histoire et air du temps

Le 07/12/2022

Dans Humeurs

Les airs du temps se suivent, en s'opposant parfois, et font l'Histoire.

L'après-guerre et l'Etat providence

Façonné par l'apocalypse de la seconde guerre mondiale et du plus grand génocide de l'Histoire, l'air du temps fruit du programme du Conseil de la Résistance,  a pour base le "plus jamais ça". Il convient de mettre de l'humain dans l'économie, et de pacifier les relations internationales en introduisant du multilatéralisme au travers d'instances internationales.
Cela fonctionne près de quatre décennies, au cours desquelles l'ONU monte en puissance avec certains succès, des instances internationales telles l'UNESCO, l'UNICEF, l'Organisation Internationale du Travail sont constituées. L'Europe trace un trait sur des siècles de guerres fratricides, et met en oeure son union.
Sur le plan économique, c'est le temps des trente glorieuses, les syndicats sont un contrepoids efficace au pouvoir patronal, et une meilleure répartition des revenus permet une réduction des écarts entre les plus riches et les plus pauvres.
On croit encore au progrès, à la science, à l'humanisme, et la vision dominante est celle d'un partage plus équitable de la richesse.

Le tout libéral des années 80 à nos jours

A partir des années 80, le néo-libéralisme théorisé par Milton Friedman élève le marché au rang de régulateur suprême, au détriment de l'Etat et des contrepouvoirs. Reagan aux EU et Thatcher en GB le mettent en pratique, et il s'étend, avec des nuances, au monde entier. Avec la libre circulation des hommes, des marchandises, des capitaux, apparaît la mondialisation commerciale, sociale, financière. 
Des groupes de taille mondiale dominent la planète, plus forts que beaucoup d'Etats, dont le succès est basé sur la capacité à produire dans les pays à bats coûts et à loger les profits dans les pays à basse fiscalité. Dumpings social et fiscal sont désormais appris dans les écoles de  gestion, et sont hissés au rang de critères incontournables dans l'appréciation des analystes financiers et des organismes de notations. C'est le temps du marché et de l'argent rois.
S'ensuit un capitalisme ensauvagé, destructeur de l'humain, mais aussi de la planète.

De nos jours à ...

Les effets destructeurs du tout libéral se sont vite fait sentir, l'évolution des écarts entre hauts et bas salaires  s'est inversée, le travail s'est parcellisé et "productivisé", lui faisant perdre son sens, avant d'être trop souvent délocalisé, créant chômage, désertification des territoires, perte de souveraineté.
Est venue la prise de conscience, plus ou moins aigüe, que cette course effrénée à la production / consommation conduit à la destruction de la planète, ou plus précisément à des changements qui la rendront inéluctablement de moins en moins vivable pour l'homme.
Tout ce à quoi on croit depuis des temps anciens pour améliorer la condition de l'homme sur la Terre est battu en brèche. On doute de la science qui a permis la bombe atomique, les engrais et les pesticides, on doute de la technologie qui abétit le travail et impose des cadences et des objetifs inhumains, on doute des dirigeants politiques qu'on trouve mous face à l'air du temps, puis manquant de vision pour  n'en avoir pas perçu les dangers quand on est passé à l'air du temps suivant.
L'air du temps est ainsi aujourd'hui à la protection de la planète, incluant la remise en cause de la croissance, sans disposer d' un modèle économique de substitution. Les impacts sur l'état de la planète, de sa flore, de sa faune, de son climat, sont en passe de remplacer les ratios de solvabilité et de rentabilité.  

 

La peur au lieu de l'espoir

S'afficher opposé à l'air du temps est toujours chose risquée. A s'y opposer, le salarié y perd son emploi, ou est placardisé, l'homme politique y joue ses mandats, monsieur tout le monde est pris pour un "has been".
Sous la pression de l'air du temps, on a mis en oeuvre l'énergie atomique, puis on en a neutralisé voire réduit les capacités. On a assisté sans réagir à la fermeture des usines pour cause de faillites ou de délocalisation. On a privilégié l'actionnaire au travailleur, et accepté les plans sociaux, même concomitants à des distributions élevées de dividendes.

On doit s'inquiéter de l'air du temps d'aujourd'hui, car il repose non sur l'espoir, mais sur la peur. La peur que la planète devienne invivable, que les animaux en disparaissent, que l'agriculture ne produise plus que des produits nocifs sur des terres surexploitées et appelées à devenir stériles. Alors que les années passées étaient celles de l'ouverture au monde, d' une tendance à la minimisation des frontières, l'air d'aujourd'hui est au repli sur soi, son pays, sa ville ou son village, sa famille. L'écologisme prend la place des religions pour fixer le bien et le mal, l'interdit et le permis, et certains propos ne sont pas si éloignés de ceux des inquisiteurs d'autrefois.
Il vaut mieux s'afficher en fumant un joint qu'en dévorant un steak, et taire que, curieux du monde, on est prêt à prendre l'avion pour le découvrir. C'est paraître idiot que de vouloir ne serait-ce que nuancer des affirmations péremptoires sur le dérèglement climatique, qu'on met à toutes les sauces pour expliquer tout et son contraire.

Mais l'air du temps  a une fin. Un homme, un livre ou une nouvelle théorie, une épidémie ou une guerre, une catastrophe naturelle, et on passe à l'air du temps suivant. Tous ajoutés, cela fait l'Histoire, dont les historiens s'attacheront à chercher le sens!