Qatar ou le bal des hypocrites

Il y a dix ans, le Qatar obtenait de la FIFA, basée en Suisse, l'organisation de la Coupe du monde de foot 2022. Au-delà de la surprise que l'élu soit un tout petit état sans aucune pratique du football, cette nomination du Qatar est passée presque comme une lettre à la poste, mise à part une chaleur jugée peu compatible.
Rien ne différencie le Qatar de 2010 de celui d'aujourd'hui.

Maintenant que les travaux, dont une bonne part a été exécutée par des sociétés occidentales, sont achevés, que la compétition commence, d'aucuns jouent les vierges effarouchées, semblant découvrir que le Qatar n'est pas blanc comme neige, inconnue là-bas, et préconisant un boycott total ou partiel.

Maintenant que des dirigeants et décideurs de la FIFA semblent s'en être mis plein les poches, que des dirigeants politiques, français notamment, ont poussé le choix du Qatar moyennant des contreparties avouées et aussi sans doute non avouables, certains voudraient que les amateurs de foot boycottent les matchs "qu'on ne saurait voir", certaines communes renoncent à mettre en place les écrans géants des retransmissions (ce qui doit bien les arranger en terme de sécurité et de coûts), des personnalités de tous bords, connues et inconnues, viennent nous dire qu'elles ne regarderont pas les matchs (qu'elles n'auraient peut-être pas même regardés où qu'ils soient). 

En bref, le coupable, tel l'âne de la fable, c'est le (télé)spectateur !

Et les hypocrites de mettre en avant les pratiques peu démocratiques de l'émirat, son intégrisme religieux, son refus de l'alcool, son homophobie, son mépris de la femme. Comme si tout cela était nouveau.

L'Histoire de l'Occident serait-elle si exemplaire qu'il puisse se permettre de faire la leçon au monde ? Comme si la démocratie avait toujours existé, alors qu'elle n'est là en France que depuis 150 ans. 
L'Occident donneur de leçons a été le colonisateur le plus impitoyable de l'histoire, a vu les guerres les plus destructrices de la planète, religieuses y comprises, même encore après le cataclysme hitlérien, il est le seul à avoir osé lancer deux bombes nucléaires sur des populations civiles, il a facilité le triomphe d'un capitalisme financier égoïste et sauvage, qui rabaisse l'homme au rang de serviteur du profit, il connait toujours dans ses villes et campagnes un racisme latent qui explose en violences périodiquement ...
L'injustice sociale a cessé de se réduire, le traitement des prisonniers est une horreur qui a fait condamner la France plusieurs fois, l'accueil des migrants est indigne de l'humanisme revendiqué.

S'il est bien de voir la paille ou la poutre dans l'oeil de son voisin, il est bien aussi de se regarder soi-même.

Et puis si le Qatar n'est pas que sympathique, et il ne l'est pas, ne doit-on traiter qu'avec des pays qui cochent toutes les cases d'une pseudo-exemplarité répondant aux normes de l'Occident d'aujourd'hui ? La liste pourrait être bien courte, et ne concerner que quelques pays d'une Europe qui se veut encore au centre de l'histoire, et qui ne fait que lutter contre sa marginalisation en jouant les donneurs de leçons.

Cessons d'être hypocrites, si on veut châtier le Qatar d'être un Etat religieux intégriste, et hypocrite lui aussi, cessons de lui acheter gaz et pétrole, demandons à TOTAL de quitter le pays et de vendre des choux plutôt que de l'essence. Et faisons de même avec l'Arabie Saoudite, guère plus recommandable que le Qatar et tous les pays d'Asie et d'Afrique qui n'ont pas mis en oeuvre une démocratie humaniste exemplaire, soi-disant comme les nôtres.

Ce sera bon pour l'air de nos villes, pour la planète aussi, pour notre santé puisque la marche à pied et le vélo remplaceront l'auto. On dormira au frais puisqu'on ne peut compter sur les centrales nucléaires pour nous chauffer. On ne commercera plus avec grand monde, donc il y aura moins de transport maritine, et comme on consommera moins puisqu' on sera en manque de tout dans l'attente de la relocalisation effective de productions qui en plus mettront sur le marché des produits à des prix hors d'atteinte de 80% de la population. 

On sera sur le chemin du déclin, nos enfants émigreront pour trouver de l'emploi, mais on sera droit dans nos bottes, sûrs et fiers de nos valeurs qu'on aura pourtant si peu appliquées à nous-mêmes.