La gauche coupée du peuple

Le 02/06/2016

Dans Humeurs

ManifestationLa France traverse une crise sociale et politique comme elle en a le secret. Ce n'est pas le moindre paradoxe que de voir la France du peuple debout contre un gouvernement qui se veut de gauche.

Le gouvernement dit de gauche est le rassemblement d'une équipe de bobos, tous d'origine bien bourgeoise, ayant fréquenté les bonnes écoles, et n'ayant été que très exceptionnellement confrontés au monde du travail. Les bureaux lambrissés des palais de la république, les déjeuners entre soi, les commissions dans des bureaux feutrés, les petits-déjeuners dans les grands hôtels sont très certainemnt utiles, mais ne permettent pas à ceux qui en bénéficient de resentir dans leurs tripes la réalité sociale en général, et de l'entreprise en particulier.

Hollande candidat avait tout promis.
Avec lui président, la finance serait mâtée, les jeunes seraient choyés, le chômage serait en extinction, le pouvoir d'achat augmenterait, l'Europe se plierait au regard visionnaire et généreux de la France.
Las ! C'est tout le contraire qui est arrivé.
Le chômage a poursuivi, accentué même, son inexorable progression.
Le pouvoir d'achat des français a régressé pour 80% des salariés, soit les ouvriers, employés, petits cadres. Il n'y a plus d'augmentation générale des salaires en France depuis des années, et les hausses individuelles au mérite bénéficient pour la plus grosse part aux cadres, de préférence jeunes et porteurs d'espérance pour l'entreprise.
L'Europe s'est délitée, le dumping social et fiscal fait des ravages, le président de l'Europe est même celui qui a assis la fortune de son pays sur l'exonération fiscale. L'Europe n'est plus un rêve, ou alors, c'est celui d'en sortir.
La vie dans l'entreprise est de plus en plus dure, la pression y est de plus en plus forte sous l'effet du chantage à l'emploi et de l'âpreté au profit des dirrigeants et actionnaires. Pour gagner de plus en plus d'argent, la règle de l'entreprise est simple: travailler plus pour gagner moins. Les partants ne sont que partiellement remplacés, les nouvelles commandes sont traitées sans recrutement, si bien que le boulot par personne s'accroit. Partout le stress au travail grandit, celui de perdre son emploi, celui de ne pas réussir à faire face à l'accroissement des tâches.

La goutte d'eau qui fait déborder le vase
Alors la loi travail, même édulcorée, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Face à toutes ces promesses non tenues, le mal de vivre présent et la peur de demain, pour soi et ses enfants, les rémunérations surréalistes des grands patrons parachutés et fonctionnaires, la gauche ne trouve à opposer qu'une loi mal ficelée, non négociée, et qui modifie le balancier des rapports sociaux en faveur du patronnat.
La question n'est pas même du bien-fondé ou non de la loi dite Travail. Quand on met de l'alcool sur un corps malade et irrité, on a instantanément une réaction de douleur et de rejet. La France moyenne, celle des petites gens, des salariés non cadres a mal, souffre d'une absence désespérante de reconnaissance, d'un sentiment de n'être qu'un pion dans une France industrieuse qui les jette au premier vent mauvais venu, et qui leur propose des salaires qui ne permettent pas une vie autonome. Cette France qui souffre n'a plus confiance en l'avenir, n'a plus confiance dans ses managers, au service exclusif du profit, et de leurs serviteurs, les grands patrons. Et elle a encore moins confiance en ses politiques, perçus à des années-lumière de leurs préoccupations, et plus soucieux de la satisfaction de leurs amitions personnelles que d'améliorer leur sort.

Trop de promesses
La réaction est d'autant plus forte que nos hommes politiques, élevés dans le berceau du jacobinisme et du culte de nos grands autocrates, font croire, mais peut-être le croient-ils eux-mêmes, que le politique a tous les pouvoirs, qu'il a celui d'orienter le monde à sa guise, de changer les choses dans le sens souhaité par sa clientèle électorale.
Cela n'a jamais été vrai, et encore moins aujourd'hui dans nos sociétés capitalistes mondialisées et ouvertes à toutes les innovations technologiques. Mais trop d'espoirs déçus débouchent inévitablement sur le désespoir, et son corollaire qui l'accompagne souvent, la violence.

Depuis trente ans, la gauche a maintenu le même discours et les mêmes promesses, sans prendre en compte les évolutions économiques, sociales, technologiques. Or le politique n'a plus la main sur la qualité de vie des gens. En continuant à promettre tout et son contraire, en sachant bien, ou pas, qu'on brasse du vent, la gauche s'est exposée au rejet auquel on assiste aujourd'hui. Avec un peu plus de sensibilité populaire, Valls et les autres auraient perçu le risque énorme à agir comme ils l'ont fait. Quoiqu'il advienne, la crise actuelle laissera des traces, et le grand gagnant de tout ça risque bien d'être l'extrême droite. Triste bilan pour un parti qui s'affichait pour la défense des plus faibles.