Le Monopoly continue

Le 26/07/2017

Dans Humeurs

Fnac dartyLe groupe Pinault fusionne d'abord ses filiales Fnac et Darty. Puis vend ses parts dans le nouvel ensemble Fnac Darty au géant allemand du secteur. Bonne affaire pour la famille Pinault qui cède à bon compte un groupe évoluant dans un secteur difficile. Mais petits actionnaires, salariés et clients vont-ils y trouver leur compte?

Fusion Fnac Darty

Il y a quelques années, Darty et Fnac étaient au bord du gouffre. Mais Darty a su prendre le virage Internet, a su renoncer à la première intention de son actionnaire anglais de couper dans le service après-vente pour tailler dans les coûts, devenu conscient que la qualité de l'après-vente Darty était son premier argument commercial. Plus tard ce fut au tour de la Fnac de connaître de sérieuses difficultés. La mort prématurée du CD, la concurrence féroce d'Amazon, l'élargissement de concurrence par l'apparition de nombreux sites Internet aux prix de vente plus bas, la banalisation enfin d'une entreprise, l'agitateur des années 50 n'agitant plus grand-chose aujourd'hui, ont remis en cause le positionnement commercial de l'entreprise et sa rentabilité. Une bonne raison pour l'actionnaire depuis plus de 20 ans, Pinault, de se désengager d'un groupe à l'avenir incertain et peu rémunérateur.

Quand Darty a été mis en vente, les dirigeants de Fnac ont perçu l' opportunité du bon coup susceptible de plaire au marché. Fusionner les deux affaires, c'était pouvoir tailler dans les coûts (entendre les effectifs) sous l'effet des fameuses économies d'échelle. Et ça, le marché adore. C'était aussi, au moins sur le papier, permettre à la Fnac d'être présente sur le marché des produits blancs qui lui a toujours échappé.

Tels sont les arguments présentés aux actionnaires pour "vendre" la fusion, et aux salariés pour ne pas s'y opposer par la revendication.  

Fnac, un boulet pour Pinault

Les naïfs auraient pu croire que la fusion Fnac Darty était le fruit d'une stratégie industrielle, même si on voit mieux l'intérêt d'une telle opération pour la Fnac que pour Darty .

Par sa réputation et la qualité de son après-vente, Darty a un positionnement commercial bien établi, qui lui assurait un avenir paisible, si tant est que l'entreprise soit capable de rester à l'écoute de son marché. Celui de la Fnac était moins prévisible, ses valeurs initiales d'agitateur culturel ne correspondent plus à une réalité, son image est floue, et tous ses produits sont soumis à la concurrence croissante de la vente par Internet.

Actionnaire depuis 23 ans de la Fnac, celle-ci était plutôt un boulet dans les participations du grpupe Pinault. Ce dernier n'est pas un groupe industriel, mais un de  ses grands marchands de biens, industriels et financiers, dont l'objet est d'acheter et vendre des entreprises industrielles, comme d'autres le font pour des biens immobiliers, des vêtements ou des yaourts. Pinault a ainsi acheté et revendu Le Printemps, La Redoute, Conforama, CFAO, Fnac pour partie, et des dizaines d'autres entreprises. Loin de la scierie des débuts, le groupe a choisi aujourd'hui d'oeuvrer dans le secteur du luxe, à l'instar de son meilleur ennemi Arnault, et a pris la nouvelle dénomination de Kering.

Les actions Fnac font tache dans ce nouvel ensemble, d'autant qu'elles ne rapportent rien. Mais pour les vendre, un coup de cosmétique était essentiel, et la fusion Fnac Darty a été l'occasion ou jamais.

La réalité révélée

Car quel autre intérêt de cette fusion que de permettre aux Pinault une sortie à bon compte de la Fnac?

On met en avant bien sûr les éternelles économies d'échelles, parfois réelles, le plus souvent non concrétisées. Car à l'inverse, ces fusions entre géants à la culture d'entreprise forte ne sont jamais faciles. La fusion des informatiques est un immense défi, la lourdeur de la nouvelle organisation freine les prises de décision, les confrontations entre aborbants et absorbés créent des traumatismes et vexations qui portent atteinte à la motivation des salariés, le mélange des marques ou enseignes ôte de la clarté aux clients.

Mais admettons quand même que la fusion soit le bon choix stratégique, de ceux qui assurent l'avenir à long terme des entreprises.
Que dire alors de la vente par Pinault de ses parts à un géant allemand du secteur, avant que cette stratégie ait vraiment commencé un début d'exécution? Ceconomy, le repreneur, acteur majeur du secteur en Allemagne, aura bien sûr sa propre stratégie, qui ne sera pas nécessairement de fusionner Fnac et Darty, pour sauver la peau de la première au risque de couler la seconde.

L'opération de fusion Fnac-Darty est un bon coup pour Pinault, un bon coup financier qui a fait rebondir le cours en bourse et lui offert une porte de sortie inespérée. Ce n'est en aucun cas un acte de stratégie industrielle.

C'est au nouvel actionnaire de prendre les décisions qui assureront l'avenir de Fnac et de Darty. Ses expériences françaises n'incitent pas à un particulier optimisme, surtout quand on connait le destin de bien d'entreprises reprises par des grands groupes.

L'avenir confirmera ou infirmera. En attendant, les salariés vendus comme chair à canon prieront pour que les nouveaux managers ne jettent pas le bébé avec l'eau du bain, et sauront prendre leur temps pour prendre la bonne mesure de deux entreprises qui ont un long passé, une culture forte, et une image auprès de leurs clients qui ont assuré leur existence jusqu'à aujourd'hui. 
On sait depuis longtemps que l'intérêt bien compris des actionnaires n'est pas nécessairement celui des salariés et des clients. Il l'est même sans doute rarement, des études sur les conséquences des rachats et ventes d'entreprises seraient intéressantes. 
Les intérêts de la famille Pinault sont saufs, tant mieux pour elle. Ceux des salariés ne le sont toujours pas. Le capitalisme est dur pour les petits, ou les moins puissants, ou les moins riches. Le pouvoir n'appartient pas à ceux qui font ou qui ont le savoir. Il est à ceux qui ont la puissance financière et le moins de scrupules.