Un référendum, pour quoi faire

Le 20/12/2020

Dans Humeurs

En théorie, le référendum est un instrument indispensable à un bon fonctionnement de la démocratie, qui ne doit pas se résoudre à la seule élection des représentants du peuple. Que penser de celui annoncé sur l'écologie ?

 

Un instrument de politique politicienne

L'utilisation des référendums en France a toujours été source de suspicion.
Quand de Gaulle a soumis au peuple la décentralisation régionale, sa proclamation qu'il démissionnerait si le non l'emportait a transformé aussitôt le référendum en plébiscite, amenant les citoyens à voter pour ou contre de Gaulle, au lieu de se prononcer en faveur on non de la régionalisation.
Quand Sarkozy a ignoré la victoire du non à la question sur l'Europe, il a décrédibilisé le recours au peuple.

Macron aujourd'hui propose l'inscription dans la constitution de la préservation de l'environnement.

Le débat est loin d'être lancé, mais les commentaires qui ont suivi dans la foulée de l'annonce ont vu la presse et les politiques en même temps s'interroger non sur le fond de la question posée, mais sur le piège caché de ce référendum, qui ne pouvait qu'être dans le but de gêner les oppositions en forçant les responsables à préconiser le oui, ou diviser les écolos qui sur le fond auraient envie de dire oui mais qui refuseront à plébisciter Macron. 

Parce que la vie politique française est ainsi faite, les leaders politiques sont incapables de voir dans le référendum autre chose qu'un plébiscite, auquel l'opposition ne peut que dire non.

Ainsi la question posée n'est jamais le sujet traité.

C'est un premier risque que prend Macron, celui d'avoir contre son référendum toute la classe politique de l'opposition. Si les électeurs se trouvent dans le même état d'esprit que les dirigeants, alors Macron se retrouvera dans la même situation que de Gaulle, et aura perdu une grande part de sa légitimité s'il se maintenait au pouvoir.

Vers l'immobilisme

Sur le fond, l'inscription de l'obligation de préservation de l'environnement dans la constitution est une arme explosive, qui risque de bloquer gravement l'activité économique.

Car l'activité humaine est par nature destructrice de l'environnement. Bâtir une maison ou un immeuble, construire ponts, viaducs, autoroutes, lignes de chemins de fer, stades, parkings, utiliser des voitures, quelque soit la source d'énergie, des ordinateurs, des téléphones, des trains, bateaux et avions, faire fonctionner des usines, ateliers, entrepôts, se chauffer, utiliser l'eau des rivières, de la mer, des nappes phréatiques, extraire pétrole, uranium, terres rares et autres métaux, tout constitue des attentes à l'environnement

Ainsi tous les nouveaux projets pourront faire l'objet de recours pour anticonstitutionnalité, et l'économie sera vite contrainte à l'immobilisme.

Et la France deviendra une curiosité archaïque, au même titre que les grottes préhistoriques.

 

La guerre de l'écologie n'aura pas lieu. Peut-être !

Heureusement, il est probable que ce référendum ne verra pas le jour, et que son évocation par le président Macron ne soit qu'une "finesse" politicienne encore plus machiavélique que les autres.

Car le projet référendaire a peu de chance de passer l'étape du Sénat, qui doit agréer le texte exactement dans les mêmes termes que l'Assemblée. On peut penser que la majorité LR au Sénat ne fera pas ce plaisir au président, et qu'elle se refusera surtout de se mettre dans l'embarras, soit en préconisant le oui, ce qui serait interprété comme une soumission à Emmanuel Macron, soit en proposant le non, ce qui ternirait l' image écolo de LR et la mettrait en grande difficulté si son électorat votait oui. 

Macron peut ainsi afficher une image d'écologiste bon teint, sans risque que la clause soit même soumise au peuple.

Sauf si le Sénat, plus macchiavélique encore, donne le feu vert à Macron, afin de le mettre en grande difficulté.

Et avec lui, la France !