On peut rêver

Le 15/04/2020

Dans Humeurs

Avec sa phobie du multilatéralisme, Trump abat un à un tous les progrès faits ces dernières années pour mettre en commun volontés et ressources financières dans la résolution des problèmes du monde. Pourtant, si on veut un "nouveau monde", la solidarité et l'homogénéité des politiques est indispensable.


America last

 

 

 


 

China fist


Trump a suspendu ses versements à l'OMS, au nom de son rejet du multilatéralisme. Pourtant, le multilatéralisme est indubitablement l'un des progrès phares de l'humanité. Que des nations se parlent, s'entendent, se réunissent, pour résoudre ensemble des problèmes, et en partageant le coût, est un pas crucial vers une humanité apaisée et solidaire. Alors certes tout n'est pas rose, il y a loin des beaux principes à leur exploitation juste et rigoureuse. Derrière les administrations communes, il y a des hommes et des états, autant dire des dysfonctionnements. Est-ce autant qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain ?

Trump est le plus nul des chefs d'Etats, ce qui ne l'empêchera peut-être pas d'être réélu; ce n'est pas le premier chef d'état névrosé ou psychotique, même élu au suffrage universel, mais c'est un des rares qui plaide à la fois "america first" et génère le rejet de son pays de la part de la quasi totalité de l'humanité. Trump, c'est le soûlot du café du Commerce au pouvoir !

Pendant ce temps-là, la Chine, par qui le malheur est arrivé, bien involontairement, surjoue les sauveurs du monde en délivrant conseils, bonnes pratiques, résultats de recherches, et tout le matériel sanitaire dont le monde occidental s'est délesté de la fabrication. Consciemment, par bêtise et ignorance, Trump passe le flambeau de leadership du monde à la Chine. Celle-ci exerce déjà son influence en Asie, elle est devenue un acteur incontournable en Afrique, elle accroît son influence en Europe. Et Trump reste absent de l'Afrique, n'en finit pas de se fâcher avec l'Europe, lâche ses alliés au Proche-Orient, engage un vain combat pour séduire l' Asie. Lamentable bilan, mais que continue à soutenir des gens très distingués et très instruits, comme les sénateurs et représentants du parti républicain, au seul fait que Trump est de leur parti. Limites de la démocratie !

Monde nouveau

 

 

 

 

Les Etats doivent
reprendre la main

Dans la nuée des écrits qu'on voit fleurir sur la nécessité d'un monde nouveau, on parle de décroissance, d'économie verte, de relocalisation, de protectionnisme ou précautionisme, d'Etat providence. Jamais on ne lit la nécessité de la revalorisation des bas salaires, jamais on évoque la hausse du smic pour ces derniers de cordée qui sont les maltraités de ces trente dernières années, notamment dans la grande distribution. Emmanuel Macron l'a évoqué, mais la préoccupation semble absente des intellectuels parisiens, confinés dans des appartements confortables et aux ressources financières assurées par leur employeur public.

Tous plaident la fin de la société de consommation, sans chercher à voir que pour beaucoup de français elle n'a guère commencé. Et c'est encore plus criant au niveau mondial. 
L'effort premier qui serait à faire, et ce serait un pas fondamental vers ce nouveau monde espéré, c'est la revalorisation de tous les bas salaires, avec l'objectif d'un smic à 2000€ dans les cinq ans, l'abaissement des salaires supérieurs à 15000€ mensuels, une revisitation complète de la politique salariale des entreprises pour une répartition plus équitable. On a vu qu'en cas de crise, la caissière de la superette du coin de la rue est celle qui permet au groupe de tourner, et à la population de s'alimenter. Pourtant, les Leclerc et les Carrefour ne rêvaient il y a peu de temps encore qu'à les remplacer par ... les clients utilisant des machines à scanner !


En second lieu, il faut arriver à s'affranchir des marchés qui, à tort ou à raison, dictent les stratégies des entreprises et aussi des Etats. Le monde d'aujourd'hui, c'est la liberté de circulation des biens et services, des hommes, des capitaux. C'est unique dans l'histoire. Avec le progrès des télécommunications, Internet et les réseaux, la digitalisation, les Etats contrôlent de moins en moins les choses.

La mondialisation a exacerbé la concurrence, la compétitivité devenant le seul objectif des entreprises, prêtes à y sacrifier justice sociale, sens du travail, bien-être, satisfaction du client. Au nom, réel ou fausse barbe, de la compétitivité, on a bloqué les augmentations globales des salaires au profit des seules augmentations individuelles bénéficiant aux cadres, installés ou en devenir. On a supprimé tous les stocks pour gérer la chaîne de production en flux tendus. On en a vu le résultat. On a supprimé une grande part de l'industrie française pour la sous-traiter à la Chine. On a sacrifié les travailleurs français au profit de chinois au coût dix fois inférieur. On a privilégié l'immédiateté au détriment du temps long. On a créé une spécialisation mondiale du travail. On a privilégié la croissance externe, générant des groupes tentaculaires, sans âme, sans stratégie autre que financière, c'est à dire d'enrichissement de l'actionnaire.

 
 

Les Etats ont laissé faire les grands groupes, par choix politique ou impuissance. Seulement les entreprises, aussi grandes soient-elles, et aussi colossales soient les rémunérations de leurs dirigeants, ont une faiblesse : elles ne voient que leur intérêt propre et celui de leurs actionnaires.

Le monde nouveau ne dépend pas du seul Etat. Il faut que ce dernier puisse influer sur la stratégie des grandes entreprises, par exemple en luttant contre l'évasion fiscale réalisée à grande échelle par les multinationales, en promouvant de bonnes pratiques en matière sociale, environnementale, locale. 

Une grande part du malaise actuel vient des choix égoïstes des entreprises multinationales, qui quémandent l' aide de l'Etat dans la tourmente, et se moquent de l'intérêt général quand cela va bien, en relocalisant et fuyant l'impôt.
Seulement, tant que la mondialisation imposera la compétitivité pour survivre, l'état qui agit seul sonne la mort de ses entreprises. Une action conjointe et solidaire des Etats est nécessaire.

Sûr que cela n'aura pas lieu tant que Trump sera là !