Faut pas rêver

Le 20/04/2020

Dans Humeurs

HochetIl n'y aura pas de monde nouveau, parce qu'aucun de ceux qui occupent les pouvoirs, quels qu'ils soient, ne le veut. Ce serait risquer de perdre tant ce pouvoir, que les richesses et hochets qui vont avec.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Qui pèse sur le monde ?

A chaque crise, on culpabilise un peu, on se dit que la crise a pour cause notre folie. Alors on prend de belles résolutions, "plus jamais ça", et on rêve d'un nouveau monde.

Seulement, qui est "on" ?
Des intellectuels plus ou moins bien installés dans la société, écrivains reconnus ou professeurs des Universités, aux emplois cossus, stables et bien rémunérés. Ou des reponsables d'ONG, militants écologistes qui en profitent pour sortir de l'ombre, ou d'anciens responsables qui trouvent là un bon tremplin pour revenir sur le devant de la scène. Tous autant qu'ils sont oeuvrnet en delhors de l'économie de production et de marché.

Mais pas de ministres, pas de chefs d'entreprises, pas de pdg du cac 40, pas de patrons des grandes administrations, pas de créateurs de start-up, pas de jeunes cadres diplômés des grandes écoles de gestion ou d'ingénieurs, pas même de responsables syndicaux. 

Autrement dit, ceux qui auraient un pouvoir de changer le monde, même un petit peu, se taisent. Parce qu'ils ne le veulent pas, ou croient que ce n'est pas possible, ou que ce serait contraire à leurs intérêts.

Qui pèse sur le monde aujourd'hui ?
Les hommes politiques bien sûr, sachant qu'ils ont plus le pouvoir de dire non que d'infléchir le modèle en action.

Les chefs d'entreprises surtout, les patrons des grandes multi-nationales qui ont délocalisé, promu la course à la productivité et profitabilité, ne parlent que de compétitivité, ont tué le sens du travail et donc souvent son goût, n'ont pas d'état d'ame quand il s'agit d'accroître les perspectives de profit, qui embauchent et licencient sans humanité, oeuvrent au-delà des nations, souvent contre les intérêts des Etats, de tous les Etats.

Le monde de la recherche, dans les Universités, les instituts nationaux, les grandes entreprises, les start-up, les labos indépendants. Même si les Etats peuvent être amenés à orienter la recherche par la voie des subventions, le monde de la recherche est un monde libre. L'appât du gain en est un des moteurs, du Tournesol à l'idée géniale aux grands loabos des multi-nationales. Tous cherchent l'invention qui les mettra en situation de monopole, et les transformera en tiroir-caisse. 

Le marché, aujourd'hui financiarisé et mondialisé. C'est lui qui oriente les capitaux, impose sa loi aux grandes entreprises, le plus souvent à l'opposé de l'intérêt des salariés, des Etats, et même de la planète. C'est en son nom qu'on impose une course démente à la compétitivité, qui broye les hommes, détruit la planète, amène la surconsommation.

Les syndicats de travailleurs. Leur influence a été déterminante. Sans eux, les enfants travailleraient toujours dans les mines, la protection sociale serait minimale, il n'y aurait pas de contre-pouvoir au patronat. Dans toute l'Histoire, le puissant a asservi le faible pour l'exploiter. La force syndicale à limité l'inhumanité et fait progresser le monde dans la voie d'un meilleur partage du gâteau. Mais la mondialisation a cassé le mouvement au nom de la compétitivité qui est présumée être la condition de survie des entreprises.

 

La plus forte crise sociale de l'Histoire

En choisissant l'arrêt d'une grande partie de leur économie, la plupart des pays du monde vont se trouver à devoir gérer une crise sociale d'une ampleur jamais imaginée. Des millions d'entreprises de par le monde risquent la faillite, des millions de salariés vont perdre leur emploi, des millions de travailleurs non salariés, ubérisés, commerçants, consultants, professionnels, travailleurs du spectacle, de la culture, du tourisme, vont se retrouver sur le carreau et sans ressource.

Pour tous les Etats, la priorité des priorités va être de faire repartir la machine économique, celle qui offre des emplois, et tant pis si c'est pour fabriquer des SUV, des armes ou des produits alimentaires de basse qualité. Les déficits des Etats vont atteindre des chiffres qu'aucun économiste n'aurait jamais pu imaginer, personne ne sait ce que le monde deviendra par la suite.

Le temps n'est pas venu de refaire le monde. Bien à l'abri sur sa chaire de l'Université, le professeur peut rêver d'un monde nouveau. Mais l'ouvrier licencié, le travailleur ubérisé, le voyagiste, le tourneur chez Peugeot, l'ingénieur, le comptable, tous rêvent que cela reparte comme avant, pour payer les loyers ou les prêts, assurer le nécessaire aux enfants, vivre au quotidien.
 

 

L'opinion

Ce qui a changé ces dernières années, c'est la force nouvelle de l'opinion. Dans les pays démocratiques, l'opinion se fait connaître par le vote, la presse, les révolutions. L'apparition des réseaux sociaux a tout chamboulé, pour le meilleur et pour le pire. Sans eux, le monde aurait-il stoppé la machine économique pour un virus grippal annoncé comme pas beaucoup plus meurtrier que celui qui sévit chaque année ?

Les réseaux sociaux ont cela de dangereux que  s'y expriment sur un sujet déterminé principalement les contestataires. Comme ils le font souvent avec violence, colère, haine, cela renvoie une image de forte contestation, qui effraie toujours les gouvernements en place.

Peut-être imposeront-ils la nécessité de changements drastiques, même si rien n'est moins sûr, sauf si à la pression politique s'ajoutait une pression sur la consommation. Si la pression de l'opinion devenait pression sur la consommation, les changements pourraient venir plus vite. 

 

Le SUV redémarre

En attendant, la production des SUV et grosses berlines repart, comme celle des avions et des armes, et Sanofi continue son programme de rachat d'actions et augmente ses dividendes, flattant toujours plus l'actionnaire, Axa joue sur les mots pour fuir ses engagement d'assureur au titre des pertes d'exploitation, les loups sont à l'affût pour racheter à bon compte les entreprises qui ont vu dégringoler leur valeur boursière.

Le monde capitaliste et sa logique implacable sont en pause, mais seulement en pause. Pas pour longtemps. 

Changer le monde demanderait une règlementation accrue de la finance et de la circulation des capitaux,  des limites au libre-échange, autant d'actions qu'il serait suicidaire pour un pays de lancer seul. Alors que l'Europe n'arrive pas à s'entendre, que les EU se replient sur eux-mêmes et rejettent le multi-latéralisme,  que la Chine n'a pas d'intérêt à ce que cela change, on ne peut pas être optimiste sur la portée des changements à venir.