La vraie opportunité de la transition écologique

Le 16/11/2019

Dans Humeurs

Partout dans le monde, en tous cas celui où la liberté n'est pas étouffée, les peuples se révoltent en masse. Contre les impôts et les taxes, pour plus de distribution et de justice sociale, le tout dans un contexte de remise en cause de la pertinence de la croissance économique. Il va falloir se chatouiller dur les neurones pour trouver comment faire !

Le mécontentement des peuples se généralise

Le monde occidental est confronté à une équation insoluble : comment distribuer plus quand l'allergie à l'impôt se généralise à l'ensemble de la population ?

Les revenus les plus modestes sont largement exonérés, les plus riches bénéficient d'allègements pour favoriser le ruissellement, et n'importe comment savent trouver les bons conseils pour optimiser leur fiscalité, pour rester poli. Les classes moyennes et supérieures payent pour tout le monde, mais elles aussi demandent une pause, et l'obtiennent.

De l'autre côté, on voit que les fruits de la croissance sont de moins en moins bien partagés. Les actionnaires, staff de direction, cadres sup, s'enrichissent par les dividendes et la hausse du cours des actions grâce aux stock-options et distributions gratuites. Mais les salaires du plus grand nombre bénéficient de quelques pour cents d'augmentation, ce qui est presque moins que rien pour les salaires voisins du smic.

Face à la baisse structurelle des impôts, voire par exemple l'évolution de l'impôt sur les sociétés (50% il n'y a pas si longtemps, 25% dans les pays "en pointe", sur une base que l'optimisation fiscale peut ramener à rien), les Etats peuvent de moins en moins faire face à leur devoir d'Etat providence.

En France, la justice est débordée, la police est absente du terrain et ne remplit plus qu'une partie de sa mission, les hôpitaux sont exsangues et les patients soignés dans une telle hâte et précipitation que les accidents ne vont plus pouvoir durablement être tus, les prisons sont surchargées et la France est montrée du doigt par la Cour Européenne de Justice pour les déplorables conditions d'incarcération qui y règnent, les écoles et Universités n'ont plus le sou pour investir, et sous-payés, les professeurs ne se bousculent plus au portillon de l'emploi, le prix de l'immobilier dans les grandes villes ne permet plus aux travailleurs locaux d'y vivre, sous l'effet des achats des capitalistes et de la baisse de construction de logements sociaux. 

Il ne faut plus compter sur la croissance

Il ne faut pas compter sur la reprise de la croissance pour résoudre l'insoluble. D'abord la croissance est là, plus faible que pendant les trente dites glorieuses, mais elle est là. Ensuite, le respect de l'environnement et des impératifs climatiques font ranger la recherche d'un taux de croissance fort au rang des accessoires du passé.

On est donc dans une situation où les besoins de l'Etat sont croissants, alors que ses ressources fiscales s'amenuisent. Cela s'appelle l'effet de ciseau, et bien malin celui qui trouvera le puits ou le caillou pour le faire disparaître.

Alors les optimistes plaident pour un recours au crédit, arguant des taux d'intérêt exceptionnellement faibles. Mais si cette faiblesse permet un recours accru à l'endettement, il n'en permet pas pour autant de s'endetter sans compter, car avec ou sans intérêt, il faut toujours rembourser. On peut encore emprunter pour rembourser les précédents emprunts, mais un jour vient où la confiance des prêteurs s'assèche, entraînant la faillite de l'emprunteur.

La transition écologique, une opportunité ?

On voit que la solidarité ne pourra plus passer indéfiniment par le seul Etat. Il faudra bien que le capitalisme évolue pour que l'actionnaire soit ramené au rang qui doit être le sien, un fournisseur comme un autre.

Au seul profit, l'entreprise devra élargir sa finalité au respect de l'environnement, à la santé et au bien-être des clients, aux conditions de vie de ses travailleurs, en s'attachant en premier lieu aux bas salaires, qui sont la honte de nos sociétés modernes. Personne ne s'indigne qu'après 5 ans passés chez ATOS, Thierry Breton empoche 32 millions d'euros par la vente de ses seules actions, soit plus de 2000 ans de smic ! Pourtant il n'a ni créé ni redressé la société, il n'a fait que gérer une entreprise qui allait bien avant lui, et qui va bien après. Personne ne s'indigne non plus qu'un livreur chez Amazon, une caissière chez Carrefour, un télé conseiller, et bien d'autres gagnent à peine le smic qui ne permet en aucun cas l'autonomie financière.

Toujours plus de profits, toujours plus gros, c'est aujourd'hui l'ordre de marche des grandes entreprises. On voit dans quelle impasse cela nous mène aujourd'hui, avec au bout le mur.

La transition écologique fait couler beaucoup d'encre, mais on ne voit pas grand chose sur le terrain. Ce qui est certain, c'est qu'elle n'est pas compatible avec un néo-libéralisme économique qui avance à marche forcée dans le seul but de produire plus, de dépasser les concurrents, de générer toujours plus de profits pour en faire bénéficier un tout petit nombre seulement.

Le modèle a atteint ses limites.

Il faut rêver que la destruction programmée de la planète soit l'opportunité pour réfléchir à un nouveau capitalisme, moins égoïste, plus respectueux de l'environnement, des travailleurs, de la justice sociale, en un mot, socialement responsable.