Gilets jaunes: essai non transformé

Le 18/02/2019

Dans Humeurs

SurtaxesInexorablement le mouvement s'essouffle. La sympathie des français à son égard s'érode, face à l'incapacité à élaborer un programme cohérent de revendications, et aussi, et peut-être surtout, à l'absence de volonté des gilets jaunes de se désolidariser de tous les extrêmes et casseurs qui profitent du mouvement.

Les premiers samedis ont rassemblé plus de 200 000 participants répartis un peu partout sur le territoire. Mais surtout le mouvement recueillait l'assentiment des français, parce que les préoccupations des gilets jaunes correspondaient à celles d'une grande partie de la France, celle des classes poulaires et moyennes. Tout le monde entend le ras le bol des taxes, en hausse régulière depuis des décennies, la désertification des campagnes, la baisse ou stagnation du pouvoir d'achat, le fonctionnement démocratique du pays enrayé par la surprédentialisation, le chômage qui gâche toujours la vie de millions de personnes, la précarisation galopante de l'emploi...

Beaucoup des problèmes soulevés sont communs à tout le monde occidental, imprégnés de capitalisme, de mondialisation financière.

Alors pourquoi les français lachent-ils les gilets jaunes?

 

Incapacité à s'organiser et définir un programme

Après trois mois de manifestations, le mouvement a échoué à s'organiser et définir un programme cohérent de propositions. Composés de manifestants venus d'univers différents, voire opposés, ouvriers, employés, retraités, chômeurs, petits patrons, on veut tout et son contraire. Un grand nombre s'accorde sur la démission de Macron, présenté comme la cause de tous les maux, alors que tout le monde sait ou sent que le mal dont souffre nos sociétés n'est ni seulement français ni récent, mais mondial et le fruit d'années d'évolution. 

Le rétablissement de l'impôt sur le fortune fait consensus chez les gilets jaunes, faire payer d'autres que soi est toujours sympathique. Pour le reste, pas de programme, pas de parti, pas de représentants reconnus comme tels. 

Quelle crédibilité alors accorder à ces manifestants perpétuels, pour qui la manifestation et le défilé semblent être non un moyen mais une fin ?

Non rejet des casseurs et de la violence extrêmiste

Depuis le début, des extrêmistes de droite et de gauche, puis des casseurs pilleurs se sont mêlés aux gilets jaunes. C'est le risque de toute manifestation. Mais généralement les organisateurs de défilés prennent en charge l'ordre et la sécurité afin d'éviter les débordements violents.

Les gilets jaunes n'ont pas pu ou voulu assurer un service d'ordre. Bien au contraire, nombre d'entre eux ont assûmé la violence, voire y ont participé. Les gilets jaunes y ont perdu leur âme et la bataille de l'opinion.

Les débordements racistes de ces derniers jours ont ajouté encore au discrédit du mouvement, qui faute de représentants reconnus, a été incapable de s'en désolidariser. Violence, pillage, racisme, sont aujourd'hui la dominante associée aux gilets jaunes. Pas de quoi enthousiasmer l'opinion.

Et après ?

Après les quelques jours de sidération, le gouvernement et le président ont pris des mesures allant dans le sens souhaité par les gilets jaunes. Sans rien lâcher cependant, faisant douter de la profondeur des changements qu'on peut en attendre.

En privilégiant la voie fiscale (augmentation de la prime d'activité) à celle des salaires (hausse du smic), Macron est resté fidéle à sa politique d'économie de l'offre, priorisant la diminution des charges des entreprises. C'est un choix à court terme, néfaste parce qu'il met à l'écart les salariés smicards non bénéficiaires de la prime, parce qu'il ne revalorise pas le travail comme il devrait l'être, parce qu'il va nous éloigner des objectifs européens de maîtrise de la dette et du déficit, parce qu'il continue à faire croire que le président peut tout, alors que dans nos économies mondialisées, financiarisées et à technologies galopantes, le poids du politique régresse comme peau de chagrin.

Ca n'est pas à l'Etat de pallier les défaillances des entreprises dans des politiques salariales qui gâtent une minorité de cadres. Ce n'est pas en exonérant de charges les bas salaires que les entreprises modifieront leurs politiques salariales afin que tout le monde puisse vivre de son travail.

Un grand débat a été lancé. On ne peut pas en attendre grand-chose, si ce n'est au mieux la satisfaction de certains d'avoir pu s'exprimer. Il n'y a pas de solutions miracle auxquelles personne n'a pensé jusque-là. Pour le reste, il y aura tout et son contraire, les salariés voudront une hausse des salaires et des retraites, les patrons n'en voudront pas, on va crier haut et fort contre le départ de l'Administration des villes petites et moyennes, mais on ne reviendra ni sur le passé ni sur le présent, on va demander une baisse des impôts pour soi et une hausse pour les autres, une diminution de la présidentialisation de la Vème république, ou au contraire un système à l'américaine etc ...

Au mieux, on aura l'inventaire de toutes les positions possibles sur tous les sujets.

Mais évidemment pas le consensus de ce sur quoi s'accordent les français, car il n'existe pas.

Quid du macronisme ?

Macron ne peut pas gouverner comme avant, mais on a vu que ses choix économiques n'ont pas changé. L'explosion de la droite qui limite les alternatives lui donne une chance de pouvoir poursuivre son mandat. Mais sa crédibilité et le "rêve" d'une politique "autrement" qu'il avait mis en avant pour se faire élire est grandement entaché. 

Le mouvement des gilets jaunes a réveillé des revendications qui sommeillent dans le coeur de beaucoup de français. Puisse-t-il aussi avoir sensibilisé Emmanuel Macron aux préoccupations primaires des français les moins gâtés par cette société de compétition et de profit, et le convaincre que le rôle de l'Etat est de protéger les plus faibles, non de rendre les forts encore plus forts.