Une nouvelle voie pour la France et pour l'Europe

Le 22/12/2018

Dans Humeurs

Au commencement était la révolte contre la taxe sur le diésel. Puis les gilets jaunes ont étendu leur grogne au pouvoir d'achat, et maintenant ils réclament le référendum citoyen. Et en fil rouge, dégager Macron ! N'est-ce pas une bêtise bien française que d'attribuer tous les pouvoirs à un seul homme, serait-il président de la République ?

Un mythe bien français

Le français ne croit plus en la politique, dit-on, mais pourtant il croit dur comme fer à l'homme providentiel. Pour entrainer une équipe de foot comme pour gouverner la France, il croit en l'homme venu d'ailleurs et à ses pouvoirs magiques. 

Avant les élections, le candidat qui connaît bien son co-citoyen promet tout et son contraire, se comporte comme s'il avait tous les pouvoirs, ceux de baisser les impôts tout en augmentant les redistributions, ceux d'augmenter le pouvoir d'achat comme s'il était maître des salaires et des coûts, d'assurer justice et sécurité etc ... Et quelques semaines plus tard, le citoyen qui n'a rien vu venir qui lui change la vie, voue alors aux gémonies le candidat fraîchement élu, lui faisant porter le chapeau de tous les maux, passés, présents et à venir.

Ainsi Emmanuel Macron a-t-il envoyé le vieux monde à la retraite anticipée, faisant miroiter aux français qu'avec son jeune âge, une exceptionnelle intelligence et une conception jupitérienne du pouvoir et de la France, on allait voir ce qu'on allait voir !  Et ainsi quelques erreurs stratégiques plus tard, est-il devenu aux yeux des français les moins "in" l'âne de la fable, celui par qui vient tout le mal. 

Un seul responsable

C'est le point faible de la démocratie que d'amener les hommes politiques à faire des promesses à tout va, même s' ils n'ont pas le pouvoir de les tenir.

Et c'est la bêtise d'une partie importante de la population, comme des gilets jaunes, que d'avoir la naïveté de croire que le président peut tout.

Ainsi du pouvoir d'achat.
Les gilets jaunes ont une juste revendication quand ils réclament pour les classes populaires et moyennes une revalorisation du pouvoir d'achat. Celles-ci sont les grandes perdantes de ces trente dernières années, qui ont vu les dividendes exploser comme les rémunérations des dirrigeants de grands groupes et les cadres supérieurs. A eux bonus et rémunérations abyssales, aux autres stagnation des salaires, licenciements pour cause de délocalisations ou restructurations compétitives, dégradation des conditions de travail par l'augmentation des cadences et chantage à la fermeture d'usines.

Seulement, ils dirrigent leur colère contre le seul président de la république, qui ma foi n'y peut pas grand-chose. Présider la France n'est pas dirriger l'ensemble des entreprises, et la politique salariale des entreprises ne se décrète pas au palais de l'Elysée.
Il est remarquable qu'aucune revendication ne soit adressée aux patrons d'entreprises, alors que ce sont bien eux qui rémunèrent au smic, qui précarisent le travail, pratiquent une politique salariale qui accroît les inégalités, et qui pour les grands groupes rémunèrent leurs staffs à des niveaux indécents. Le Médef aurait-il réussi à convaincre les salariés les moins biens payés que la nécessité de la compétitivité les condamnait à la pauvreté ? 

Même les journalistes, les économistes, les pseudo-experts, les politiciens de gauche, les syndicats même et surtout, se font discrets sur la responsabilité du capitalisme et des chefs d'entreprises dans l'accroissement des inégalités que le monde occidental enregistre depuis trois décennies. 

L'État, toujours l'État

Et les dernières décisions du président ne peuvent que donner raison, à tort, aux gilets jaunes. Car s'il s'accorde à trouver juste la revendication de pouvoir d'achat, il en fait porter la responsabilité puis la charge non pas à l'entreprise qui en tire profit, mais à l'Etat, bonne pomme et providentiel.
Les entreprises ne vous paient pas assez ? Qu'à cela ne tienne, l'Etat va suppléer à leur défaillance, et la collectivité paiera en leur lieu et place ! 

Quand Carlos Ghosn se rémunère 30 millions d'euros par an, cela équivaut à 30 000 primes annuelles de 1000 euros. Quand le patron de PSA reçoit un million d'euros parce qu'il a acheté une entreprise déficitaire dont personne ne veut depuis plusieurs années, c'est 1000 primes de mille euros qui vont gonfler la poche d'un déjà ultra riche !

Il y a du mou dans les grands groupes, et il est évident qu'une meilleure répartition des rémunérations est possible. C'est la volonté qui manque. On en paye le prix aujourd'hui, et les beaux messieurs du Médef ont leur part de responsabilité.

Une nouvelle voie

La crise des gilets jaunes est préoccupante. 
Parce qu'elle montre que les français sont toujours aussi ignares en économie, incapables qu'ils sont de situer les responsabilités. 
Parce qu'elle montre que les gilets jaunes, porteurs de revendications justes sur le fond, sont de plus en plus manipulés par une frange radicale dont le seul but est l'anarchie, la démolition de la démocratie et de ses institutions.
Parce qu'elle montre que les instances patronales sont toujours aussi autistes sur le plan social, même si quelques grands groupes ont tenu à répondre positivement à l'appel du président. Mais combien sont-ils à appliquer une politique salariale payant à sa juste valeur l'ensemble des salariés ? Et combien sont-ils à afficher la prise de conscience que la politique passée devait être corrigée, et qu'il est temps d'évoluer vers autre chose ?

C'est ce qu'aurait pu tenter de dessiner Emmanuel Macron. S'il a reconnu justes les revendications, s'il a tenu à "donner" aux plus modestes, s'il a tenté de mouiller les grandes entreprises en faisant appel à leur bon coeur pour qu'elles distribuent un petit quelque chose au jour de l'an, il n'est pas allé assez loin.

Il aurait dû annoncer la hausse du smic proprement dite, quitte à alléger les charges et aider les entreprises les plus faibles. Il aurait dû annoncer sa volonté d'un infléchissement du capitalisme, en annonçant un Grenelle des rémunérations, un changement des priorités entre les actionnaires et les salariés, des interventions au niveau européen sur les salaires, pour une protectionnisme adapté, pour un arrêt de la concurrence fiscale et une imposition harmonisée des riches.

Partout dans le monde, les peuples grondent contre ce capitalisme radicalisé qui détruit la planète, broient les vies, créent de l'injustice. Il ne faut pas laisser le monopole de la grogne à l'extrême droite et la droite populiste qui ne rêvent que de mettre à bas la démocratie. C'est désormais la mission exclusive des hommes éclairés s'il en reste, et l'Europe doit en être le cadre fondateur.