Deux mondes qui semblent s'ignorer

Le 20/02/2021

Dans Humeurs

D'un côté ceux qui plaident pour un nouveau monde, de l'autre ceux qui se complaisent dans l'ancien et agissent comme si de rien n'était. Le monde paraît schizophrène, où cohabitent deux conceptions opposées de l'avenir.  

Deux mondes

D'un côté on a les écologistes, et nombre de politiques plus ou moins sympathisants. Ils parlent de climat, d'environnement, de décroissance pour certains, de respect de la planète, des animaux, voire des humains. Ils plaident pour un monde meilleur, qui passerait par l'arrêt de la déforestation et de l'artificialisation des sols, par une vie moins consumériste, par un retour aux vraies valeurs, sans qu'ils précisent bien ce que c'est.

Et puis il y a le monde des affaires, de la finance, de l'économie, des nouvelles technologies. On y parle chiffre d'affaires, résultats, dividendes, cours de bourse, fusions-acquisitions, croissance, dividendes, parts de marché, accroissement de valeur.

Ces deux mondes ne semblent pas se parler, chacun étant renfermé sur son regard, certain de la véracité de leurs convictions. 

 

L'ancien monde, comme si de rien n'était

En même temps que le président Macron rêvait d'un vaccin contre le covid qui serait un bien de l'humanité, on voit laboratoires et états s'engager dans une lutte acharnée pour être le premier à posséder le bon vaccin, au meilleur prix. Les labos rêvent de bénéfices, les Etats de montrer leur puissance, pendant que les populations attendent le vaccin, les moins riches devant attendre encore longtemps, très longtemps.

Alors que Sanofi est le seul grand labo à n'avoir pas trouvé un vaccin, faisant montrer la France du doigt, l'entreprise n'a aucun état d'âme à supprimer des centaines de postes de chercheurs en même temps qu'elle annonce la distribution de quatre milliards d'euros de dividendes.

La Société Générale ne craint pas de communiquer à tout va sur son virage vers une finance dite responsable, tout en distribuant un dividende en hausse, alors même qu'elle fait des pertes, ferme la moitié de ses agences et supprime des milliers de postes.

Michelin continue à fermer des usines et à supprimer des milliers d'emplois, tout en se targuant d'augmenter les dividendes. 

Alors que la crise sanitaire, le réchauffement climatique, et l'état de notre planète justifient pour beaucoup une réflexion profonde sur le fonctionnement de nos sociétés, le monde des grandes entreprises poursuit son oeuvre destructrice comme si de rien n’était.

Vivendi, l'ex Cie Générale des Eaux, reconvertie en empire de la communication, vend sa principale filiale, pour le seul bonheur des actionnaires, mettant fin à l'ambition industrielle du groupe, transformé en simple marchand de biens, et vendant les salariés comme le bétail ou les esclaves d'autrefois.

Le pdg de Danone, Emmanuel Faber, iconoclaste porteurs de valeurs sociales et écologiques, est menacé d'éviction par quelques actionnaires au motif que la rentabilité n'est pas au rendez-vous. 

Le capitalisme poursuit donc son bonhomme de chemin, avec des entreprises de plus en plus gigantesques, de plus en plus indépendantes des Etats, de plus en plus indifférente aux attentes des clients.

 
 

La lâcheté aujourd'hui est de s'en prendre aux gouvernements, ou mieux encore, à l'Europe, alors que ce sont les deux institutions qui s'efforcent le plus de limiter autant que faire ce peut le pouvoir exorbitant des multi-nationales.

Celles-ci démontrent jusqu'à l'insolence leur égoïsme en élevant l'intérêt de l'actionnaire au-dessus de tous les autres partenaires - salariés, fournisseurs, Etat. 

Pourtant, qui est l'actionnaire d'une multi-nationale? Une institution ou un particulier qui achète des titres en bourse pour sa valorisation, sous quelques jours ou quelques mois, et prêt à vendre dès qu'ils en voient l’opportunité. 

On est à mille lieues du chef d'entreprise, propriétaire et dirigeant, qui participe aux gains, mais aussi aux pertes, et dont le destin personnel est lié à la santé de son entreprise. 

Pourquoi ne voit-on jamais une multi-nationale faire appel aux actionnaires quand ça va mal ? Quand ça va bien, on distribue à tout va, quand ça va mal, au secours l'Etat !

Quelle est la part des actionnaires dans le financement des grandes entreprises ? 

La complaisance à l'égard des grands groupes doit cesser. Ce sont eux qui construisent les montages les plus sophistiqués pour échapper à l'impôt, et qui consacrent le plus fort des bénéfices au seul profit des actionnaires. 

Les aides de l'Etat ne doivent concerner que les entreprises qui ont un accès difficiles aux marchés financiers, et un actionnariat familial. Pour les autres, le bénéfice doit servir en premier à l'entreprise, et en deuxième à l'actionnaire. Dans le cas contraire, il y a enrichissement sans cause.

Le fossé se creuse toujours et encore entre ces grandes entreprises capitalistes obnubilées par le cours de bourse, dont la hausse intéresse en premier lieu les dirigeants, et les citoyens, qu'ils soient salariés, clients, partenaires.

Faudra-t-il attendre que le monde explose pour que l'esprit capitaliste ne gouverne plus le monde, que l'obsession du profit au seul bénéfice de l'actionnaire ne soit plus qu'un mauvais souvenir?