Haro sur de Rugy

Le 13/07/2019

Dans Humeurs

François de Rugy a été pris les doigts dans le pot de confiture, ou plutôt pinçant les pattes de homard, quand il était président de l'Assemblée Nationale. Tels les animaux de la fable, tout le monde se précipite pour le condamner d'avoir fait ce que tous ont fait ou feront quand ils seront à sa place. Telle est la vie politique, que les réseaux sociaux et Internet rendent encore plus impitoyable.  

La folie du pouvoir

Francois de rugy photo georges gobet afp 1562944386Il n'aurait évidemment pas dû offrir à des amis des repas fastueux riches de vins fins et de homards sur les deniers de la république. En cette période de désaffection du monde politique, quand il ne s'agit pas de haine à son encontre, la gaffe de de Rugy est pour le moins mal à propos, même s'il n'y a quand même pas mort d'homme. 

Par nature, l'homme politique aime le pouvoir et ses hochets que sont l'argent, le cérémonial, la notoriété, l'ostentation. Et notre république encourage tous les travers, en logeant les ministères et les ministres dans de très chics hôtels particuliers, et mettant à leur service huissiers à chaque porte, cuisiniers de talent, caves gourmandes, lambris et miroirs dorés à tous les étages, mobilier du XVIII ème siècle, vaisselles et verreries luxueuses, voitures et chauffeurs ... Comment rester humble quand tout cela vous est apporté sur un plateau, comment résister au plaisir d'épater ses amis en les régalant, comment ne pas étaler sa puissance et sa réussite en exhibant tout ce luxe symbole du pouvoir ?

Un homme seul

Quelle aubaine que cette gaffe de François de Rugy !

Voilà un homme seul, sans appui chez les marcheurs parce qu'il ne l'est pas de la première heure; jalousé parce qu'il occupe la seconde place du gouvernement; rejeté des écolos qui n'aiment pas voir leurs partisans s'essayer aux difficultés du pouvoir;  mal aimé de l'ensemble des députés parce qu'il a osé tenter de moraliser la vie parlementaire du temps où il présidait la Chambre des Députés.

Alors de Rugy c'est la parfaite victime expiatoire.

Haro sur de Rugy, ce pelé, ce galeux d'où vient tout le mal ! Il a trahi ? Il s'est montré incompétent ? Il a dit des âneries ? Non, il a offert du homard à ses amis, alors qu'il est probable qu'il n'est pour rien dans la composition des menus !

Animaux peste la fontaine vimar

Un mouchard parmi les invités

On dit que la photo tueuse aurait été prise au cours d'un de ces dîners par une relation de l'épouse de de Rugy, elle-même journaliste, qui aurait précédemment publié quelque chose qui ne lui aurait pas plu.

Il faut surveiller ses amis aujourd'hui, et le téléphone portable est une arme redoutable, plus encore que l'arme à feu, car on n'hésite pas à s'en servir.

Ce n'est pas à la gloire de cette personne que de cafter après avoir bien profité, n'en doutons pas, des largesses de ses hôtes. On ne parle que du ministre, mais honte au cafteur qui a profité des agapes, et qui est assez lâche et amoral pour dénoncer ensuite anonymement ses hôtes !

Qu'est-ce que ce monde où les invités profitent d'un bon gueuleton,et dénigrent ensuite publiquement leurs hôtes au prétexte que c'est gaspiller l'argent de l'Etat ?  Qui est le plus dégueulasse, entre un ministre un peu trop dépensier ou un profiteur délateur ? Pour moi, la réponse est claire.

Et les pdg alors ?

On feint de s'indigner sur les homards offerts par le président de l'Assemblée Nationale à des amis ou pseudo-amis, et on fait l'impasse sur les abus des grands dirigeants du secteur privé au prétexte que ce n'est pas de l'argent public.

Certes. Mais il n'en reste pas moins que ce n'est par leur argent mais celui de la société qui les emploie, et leurs dépenses princières volent les actionnaires, les salariés, l'Etat. Les prélèvements sur l'entreprise de ces grands pdg est sans aucune mesure avec celui des ministres, jets privés, hôtels cinq étoiles et palaces, restaurants à trois toques, golfs offerts, dépenses privées tirées par carte bleue sur les comptes de l'entreprise, bureaux grands comme des appartements avec meubles design, oeuvres d'art et salles de bain, ascenseurs privés pour les plus timides, grosses berlines avec chauffeurs, cabinets dignes d'un ministre ... quand ce n'est pas, comme Carlos Ghosn, des villas de grand luxe.

Que les journaux qui veulent jouer les pères la morale pour augmenter leurs tirages s'en prennent aussi à ces cadres de l'ombre, bien plus dépensiers et âpres au gain, et qui n'ont pas l'excuse d'oeuvrer pour le bien collectif. Et qui plus est s'accordent des rémunérations par dizaines de millions, sans commune mesure avec celles des ministres.

Pourquoi est-ce que les médias et l'opinion ne s'intéressent pas davantage à ces grands dirigeants, qui s'enrichissent sur le dos des salariés et de l'Etat, et dont les excès, proches de la démesure, sont bien plus condamnables ?

La morale ?

- Quand vous invitez des amis, faites comme certaines écoles primaires, confisquez à vos invités les téléphones portables, vous les rendrez après.

- L'homme politique, par nature, aime le pouvoir, et donc l'argent qui en est une de ses marques. Aidons les ministres à rester simples en transférant les ministères dans des immeubles modernes, plus adaptés et prédisposant moins à la prise de la grosse tête. Les grands musées français comme le Louvre, Pompidou, Orsay ont des oeuvres d'art à la pelle dans leurs caves. Les ex-hôtels ministériels pourront aisément devenir des musées, et le public profitera des oeuvres aujourd'hui cachées. Il faut introduire de la simplicité dans le gestion de l'Etat, Parlement compris. 

- A force de vouloir tout épier, et de vouloir faire un cas pendable de la première peccadille venue, on encourage, toujours et encore,  la vindicte envers la classe politique. C'est un jeu périlleux, où la démocratie est menacée et les régimes autoritaires présentés favorablement.
Pourtant l'absence de contre-pouvoir y entraîne les pires méfaits, la fortune privée de Poutine fait partie des grandes fortunes mondiales, la carrière politique y est synonyme d'enrichissement personnel, la presse y est muselée et les journalistes récalcitrants embastillés.

Sachons donc raison garder, sachons faire la part des choses, et que les grands médias, qui aspirent à faire encore l'opinion, se comportent avec plus de raison que l'internaute moyen sur les réseaux sociaux.

Les animaux malades de la peste