L'Etat, exutoire de colère

Le 14/06/2020

Dans Humeurs

On en parle peu dans les grands médias, où on aime faire le buz en laissant croire que le président peut et fait tout. Or, ce qui façonne notre vie, c'est le monde de l'entreprise, privée et publique. C'est souvent un monde de frustration, d'irrespect, d'injustice, de soumission, générateur de colère et de révolte. Mais pas contre les dirrigeants, mais contre l'Etat !

Des entreprises obsédées

Il y a très peu de temps, certains rêvaient d'un monde nouveau, respectueux des hommes et des femmes, de la planète, de la vie.

Le réveil est brutal.

Des centaines d'entreprises licencient purement et simplement, elles commencent par les intérimaires, les cdd puis les cdi suivront.
Dans le Nord, PSA congédie 500 intérimaires, pour faire faire le boulot par 500 ouvriers polonais, employés d'une usine polonaise de PSA en sous-activité.
On comprend bien la logique économique, il vaut mieux des polonais sous-payés que des français mieux rémunérés, et le chômage partiel n'existe peut-être pas en Pologne. Optimisation, quand tu nous tiens ! 
Si on s'engage dans cette voie-là, les salariés français seront payés au même niveau que les salariés les moins bien payés de l'UE. Ce sera bon pour les bénéfices, les dividendes et les rémunérations discrètes des staff de direction et cadres sup, mais pas pour la majorité des gens.

Le gouvernement français a mis le holà. Il pouvait le faire, puisqu'il vient de permettre l'octroi de quelques milliards de prêts à PSA. Mais gageons que la voie qu'a voulu suivre PSA, celle de l'optimisation sociale, a de beaux jours devant elle, et nos sociétés ne s'en porteront pas mieux.

Cette pratique, avec d'autres, est une épée de Damoclès brandie sur la tête de chaque salarié. Tous maintenant savent, s'ils ne le savent pas encore, que l'entreprise se fout totalement de leur savoir, de leur compétence, de leur expérience, de leurs qualités managériales, de leur dévouement. Pour gagner trois francs six sous, l'entreprise est prête à supprimer n'importe quel poste à la première opportunité.

Le mouvement a commencé il y a trente ans avec les usines et les ouvriers. Il s'est poursuivi avec les employés et les cadres marketing et informatiques. Il triomphe aujourd'hui avec les cadres surqualifiés des centres de recherche & innovation, à l'instar de celui de Renault.

 

 

 

 

article du Monde

Une com dans le sens du poil

Rien ne change dans le monde de l'entreprise, sauf l'habillage oratoire de la communication.

Dans les médias grand public, les documents de communication, les pages des réseaux sociaux, l'entreprise affiche avec ostentation son exemplarité, faite d'excellence écologique et de priorité au bien-être des salariés.

Chacun sait que le réalité n'est pas ça. 

La SG qui vante à tout bout de champ son virage écologique, finance le gaz de shiste américain aux EU. 11 milliards de prêts pour une activité interdite en Europe, et qui plus est passablement risquée,  puisque reposant sur une hypothése pas évidente d'un prix du baril durablement supérieur à 50$. 

La grande distribution, qui a peu ou pas souffert de la crise, n'a pas revu sa politique salariale envers ses "derniers de corvée", et se remet à acheter étranger à tout va, au prétexte fallacieux d'aider le consommateur.
Lactalis, grand fournisseur de la grande distribution, a ainsi annoncé qu'il abaissera de quelques centimes le prix du lait payé aux producteurs.

Changement ?

L'Etat, exutoire de la colère

C'est très étonnant d'assister à l'explosion de la haine contre l'Etat, et de laisser les entreprises en dehors de toute responsabilité sur notre condition de vie.

Pourtant niveau et qualité de vie dépendent bien plus des entreprises employeurs que des décisions de l'Etat.

Alors pourquoi soumission d'un côté, colère de l'autre ? Comme s'il y avait le méchant Etat et les gentilles entreprises.

Pourtant, l'Etat, c'est la santé, la sécurité, la justice, la défense du pays, le respect du droit, les équipements collectifs, la défense de l'intérêt général.
Et l'entreprise, c'est le salaire souvent trop bas, un manque général de reconnaissance et même de respect, un fréquent sentiment de précarité, des écarts de rémunération abyssaux entre les cadres sup et les employés de base, une obsession de rentabilité pour des profits que s'approprie un petit groupe de privilégiés, des pressions constantes à produire plus avec moins, la placardisation de milliers de cadres, des dirrigeants souvent âpres au gain et à leur fortune personnelle  ...

Mais la peur de perdre son emploi est dans toutes les têtes, encore plus dans un pays gangrené par un taux de chômage record.

Alors tout se passe comme si cette colère qu'on a peur d'exprimer contre son entreprise, on la retournait contre l'Etat et ses dirigeants, toujours trop prompts à tout promettre et nous faire croire qu'ils ont tout pouvoir

 

En s'attaquant à l'Etat, on est en train de s'attaquer au meilleur de la société. Le risque est fort que la conséquence soit le découragement des bonnes volontés désireuses de s'investir dans l'intérêt du bien commun, et même de remettre en cause nos institutions démocratiques.

L'Etat ne peut pas tout, il n'est pas tout puissant, il ne l'a jamais été, même dans les états totalitaires. L'Etat a moins le pouvoir de changer nos vies que l'entreprise.

Il y a urgence à modifier le rapport de force à l'intérieur des entreprises, pour que les mauvaises pratiques cessent, qu'un dialogue s'instaure avec les salariés, premiers contributeurs à sa prospérité, pour que l'humain y reprenne une vraie place.

L'Etat a son rôle à jouer, mais surtout des contre-pouvoirs doivent apparaître pour s'opposer à la seule volonté des dirigeants.
Représentants des salariés au Conseil d'Administration, syndicats, organismes de consommation, forums divers, doivent être mis en avant pour contre-argumenter les choix stratégiques des entreprises, qui se résument trop souvent par "toujours plus avec toujours moins". 

Cela passe par l'habitude du dialogue et du respect de l'autre. Combien d' entreprises ont un vrai respect, permettant une écoute, des organisations syndicales ?