Imposture

Le 02/12/2018

Dans Humeurs

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84% des français soutiennent la cause des gilets jaunes. Cette information dépasse largement la violence des casseurs et la relativement faible affluence des manifestants ce samedi 1er décembre. C'est un signal très fort du mécontentement des français à l'égard de la politique du gouvernement et de l'évolution de notre société. Ce dernier saura-t-il le comprendre ?

Le président de la classe moyenne supérieure

La participation au mouvement des gilets jaunes s'essouffle si on en croit les statistiques officielles, les seules qui existent. Mais la violence s'accroît fortement, et surtout, plus de 80% des français comprennent le mécontentement exprimé par ces gens qui travaillent et n'arrivent pas à boucler les fins de mois.

Jusque là, gouvernement et président sont à côté de la plaque. Ils disent entendre la grogne, mais proclament en même temps qu'ils ne changeront rien et garderont le cap. C'est la posture habituelle de tout gouvernement, incapable de reconnaître ses torts.
Emmanuel Macron est venu de nulle part et a tout dégagé, pour une politique "autrement". Les gilets jaunes sont venus de nulle part et veulent tout dégager, déçus par une politique qu'ils perçoivent plus nocive pour eux-mêmes que les précédentes.
Fort de sa jeunesse et d'un petit côté iconoclaste, Emmanuel Macron se montre très conservateur en économie, s'adressant plus à la classe moyenne supérieure, celle des cadres d'entreprises diplômés, qu'à la France des employés, ouvriers, chômeurs, petits retraités, vivant dans une province qui se désertifie par le départ de l'administration et des entreprises traditionnelles.

La goutte d'essence qui fait déborder le réservoir

Le déclencheur a été la hausse de la taxe sur l'essence, qui porte  le litre de diésel à un niveau insupportable pour beaucoup. Ce n'est que la goutte d'essence qui fait déborder le vase.

Si l'impôt sur le revenu ne frappe pas les bas revenus, taxes, services publics et facturations diverses les frappent sans état d'âme, et sont perçus comme un acharnement. Le mécontentement ne date pas d'hier, mais depuis au moins deux décennies. Il a conduit au vote de 2017 qui a dégagé tous les vieux politiques.  
Ce sont les impôts locaux qui ont explosé depuis des années, sous l'effet sans doute, mais pas seulement, du transfert par l'Etat de certaines de ses dépenses. Et l'Etat n'a pas su en profiter pour baisser ses proppres dépenses.
Les amendes liées à la voiture explosent, avec le stationnement payant dans les villes qui se généralise, les amendes de stationnement qui doublent ou triplent parfois, et celles qui s'ajoutent aux points de permis supprimés que bien des gens sont incapables de payer.
Eau, gaz, électricité, transports publics voient leurs tarifs augmenter chaque année bien au-delà de la progression du smic.
La csg frappe tous les revenus, et son augmentation est restée en travers de la gorge de tous les français après que l'impôt sur la fortune ait été supprimé.
Les assurances augment chaque année leurs prix à un rythme bien supérieur à celle des bas salaires.

En contrepartie, les administrations - écoles, tribunaux, hôpitaux, maternité, centres des impôts - quittent les villes petites et moyennes, la plupart des entreprises industrielles traditionnelles ont fermé leur porte ou ont délocalisé, les gares ferroviaires ont été fermées, les centre-villes n'affichent plus que des vitrines vides et en voie de délabrement.
Le capitalisme débridé alloue des rémunérations démesurées aux pdg, actionnaires et administrateurs de grands groupes, cadres supérieurs, embellies de bonus, parts variables, actions gratuites, stock-options, avantages en nature.
Les plus riches pratiquent allègrement l'évasion fiscale avec l'aide des services de banque privée présents dans toutes les grandes banques : sociétés patrimoniales, fonds communs de placement dans des îles exotiques, montages sophistiqués. Les grands groupes multi-nationaux pratiquent sans état d'âme l'optimisation fiscale à grande échelle, au point de ne quasiment pas payer d'impôt sur les sociétés en France.

Et pendant ce temps-là, smic et bas salaires stagnent, et les contrats de travail se précarisent. Au point que le chef économiste de la BFCE, Patrick Artus, en vienne à écrire un livre intitulé "Et si les salariés se révoltaient" !

 

A quoi sert la politique ?

Le Premier Ministe dit avoir entendu tout ça. Pourquoi alors ne pas avoir donné un coup de pouce au smic le 1er janvier prochain? Parce que cela coûtera un peu d'argent à l'Etat ? Parce que cela mécontentera l'inénarrable MEDEF et les grands patrons qui le composent et qui eux se rémunèrent à coup de millions? 

S'il dit entendre les revendications, le gouvernement n'entend en aucune façon les satisfaire, plus sensible aux réticences des chefs d'entreprises et des comptables que de la souffrance des citoyens. Alors, à quoi sert donc la politique ?

A la difficulté exprimée par les français de finir les fins de mois, le président Macron a répondu par un discours sur la politique énergétique de la France dans les trente prochaines années. Ca fait évidemment partie du bagage de tout politicien de savoir répondre à côté de la question posée. Mais quand la ficelle est trop grosse, le risque est grand d'être pris pour un imposteur. 

Les grands patrons n'ont pas besoin du gouvernement pour prospérer et s'enrichir. Par contre les français ont besoin du gouvernement pour se protéger de leur cupidité et des excès du caitalisme, en mettant de l'humain, si c'est encore possible, dans un monde dominé par la cupidité des puissants et la technologie.

Pas sûr que l'équipe actuelle soit capable d'être à la hauteur du défi.