La faute au capitalisme

Le 31/10/2015

Dans Humeurs

Boulem sansal
Il y a quelques années, on pouvait croire que la civilisation gagnerait le monde entier, éliminant les fanatismes et les superstitions, qu'ils soient d'origine religieuse, philosophiques ou autres. La suppression des frontières, des distances, le nivellement des modes de vie et des cultures, promettaient le triomphe de la raison et de la tolérance. Grave erreur. 

A la fin des années 80, l'idéologie communiste, et le rêve qu'il représentait encore pour certains, s'écroulait avec l'effondrement du mur de Berlin. Le capitalisme pouvait s'en donner à coeur joie, et il ne s'en est pas privé. Le monde s'est globalisé à grande vitesse, les banques se sont étalées partout, surtout dans les paradis fiscaux, ont multiplié les opérations financières, surtout pour compte propre, ont spéculé sur tout, y compris la dette publique, les matières premières, encouragé les méga fusions donnant naissance à des entreprises aux pouvoirs dépassant ceux des Etats. Le profit a été érigé comme fin première de l'ativité, la deuxième étant son accaparement par quelques uns seulement, actionnaires et élites dirigeantes. La consommation a été poussée à l'extrême, publicités mensongères, obsolescence calculée, tout était bon pour nous pousser à acheter toujours plus. Les soucis de justice sociale qui avaient humanisé le monde dans les trente années d'après-guerre ont été ringardisés, remplacés par l'appauvrissement des travailleurs les moins qualifiés et par le chômage, et un accroissement des inégalités. Ainsi le monde capitaliste est-il devenu un monde sans foi ni loi, où la cupidité et le manque de scrupules sont les clés de la réussite. 
L'occident s'y est plus ou moins fait. Le chômage croissant et la peur qu'il inspire ont assagi les salariés, éloigné les travailleurs des syndicats. Tout le monde courbe le dos en espérant que le prochain plan social ne tombera pas sur eux. Et si on a du mal à supporter, il y a l'alcool, la drogue, les anti-dépresseurs, les réseaux sociaux pour nous faire croire qu'on n'est pas seul, et la télé-réalité pour la fuir.
Ce capitalisme roi et sauvage a envahi les pays musulmans. Plus cruellement encore que chez nous, car le droit n'y était pas une tradition, les syndicats étaient peu présents, en un mot sans contre-pouvoir. Certains en ont tiré profit, mais le plus grand nombre qui n'en profitait pas, n'a vu qu'un monde, leur monde, qui disparaissait, sans contre-partie. Leur monde était pauvre, mais riche en lien social et solidarité. Le capitalisme y a créé des sociétés profondément inégalitaires, individualistes, corrompues qui plus est, aux valeurs humaines et spirituelles défaillantes.
La religion comme refuge.
Comme toujours, la religion est apparue comme le refuge pour continuer à exister, le lien historique et culturel commun sur lequel se retrouver pour s'opposer à la dictature de l'argent et de la consommation. L'islam pour conserver son âme.
Malheureusement l'occident est aveugle. Il a perdu ses valeurs en acceptant que le capitalisme, et son bras séculier constitué par les multi-nationales industrielles et financières, étende sa loi sur le monde, et réduise les Etats à l'impuissance. L'Occident n'attire plus guère que les réfugiés fuyant l'enfer de la guerre et du terrorisme, et les touristes venant à la va-vite se "selfyer" au pied de nos idoles passées.
Ne laissons pas le rêve aux seuls religieux.
Ainsi le refuge dans les religions trouve-t-il sa cause dans le rejet du monde financiero-consumériste qui est celui que nous avons fait. La liberté d'expression y reste possible, mais sanctionnée si la parole n'est pas politiquement correcte. La démocratie y est la règle, mais limitée à une élection spectacle tous les quatre ans. Au nom du profit, les salariés sont pressurés, interdits de parole autre que celle officielle, leurs dirigeants s'exonèrent de toute responsabilité en raison des produits qu'ils vendent, et se sucrent sans scupule sur le dos des salariés. Si Air France prévoit un lendemain moins enchanteur, pourquoi n'est-il pas demandé aussi au PDG, dirigeants, actionnaires, de se serrer la ceinture ? Pourquoi aucun dirigeant d'entreprise interpellé sur les conséquences néfastes d'un produit de l'entreprise ne consent-il jamais à répondre aux demandes de renseignement de la presse? Pourquoi se sentent-ils au-dessus des lois?
Il est temps que les hommes reprennent le pouvoir au lieu et place des hommes d'affaires. De notre capacité à recréer du rêve dépend le salut du monde.
Il serait très périlleux de le laisser aux seules mains des religieux.