Les gilets jaunes ont bel avenir

Le 11/12/2018

Dans Humeurs

Emmanuel Macron a mis sur la table certaines friandises pour apaiser la grogne des gilets jaunes. Plus d'ailleurs pour couper le cordon de sympathie que plus de la moitié de la population dit entretenir avec eux, que pour apaiser la colère des gens des ronds-points.

Le mauvais choix du smic

Ce que propose le président fait partie des revendications de base des gilets jaunes "libres" : suppression de la taxe sur les produits pétroliers, augmentation du pouvoir d'achat par la hausse du smic, suppression de la hausse de la csg sur les basses retraites, ...

Le président affirme déclarer le pays en état d'urgence sociale. Si c'est vrai, alors ces mesures sont très insuffisantes.

Contrairement à ce qu'il prétend, il n'y a pas de hausse du smic, mais une augmentation de la prime d'activité. Cette dernière est payée par l'Etat, c'est à dire par tous les contribuables, qu'ils soient salariés, indépendants ou retraités. 

C'est une pratique malsaine et très contestable, qui semble très malheureusement devoir s'inscrire dans le marbre, que de suppléer au devoir basique des entreprises qui est de verser aux salariés le salaire qui leur permette de vivre. 

En faisant payer par l'Etat ce qui doit être à la charge des employeurs, Emmanuel Macron entérine les pratiques égoïstes de ces derniers.

Pour le moins, il aurait fallu exiger des entreprises bénéficiaires distributrices de dividendes et de très hauts salaires aux dirigeants, de supporter elles-mêmes l'augmentation du smic. Est-il normal que Renault ou autre distribue de substantiels dividendes, rémunère grassement pdg, dg et cadres suppérieurs, à coup de millions d'euros annuels parfois, et demande au contribuable de payer pour que les ouvriers et employés de l'entreprise gagnent cent euros de plus que le smic ?

C'est une décision très malheureuse et à courte vue, sur laquelle on ne pourra pas revenir, et qui coûtera de plus en plus cher. Elle grèvera nos finances publiques sans possibilité de retour. D'ores et déjà, le ratio du déficit va repasser la barre des 3%, et quand il s'agira de réduire le déficit, car il faudra bien le faire un jour, on augmentera les taxes ! Et ainsi de suite ...

Le cap est conservé

Le modèle de développement du capitalisme d'aujourd'hui nous conduit dans le mur. Toujours plus de profits pour toujours plus de dividendes et de rémunérations pour le top management. C'est ce mouvement-là qu'il faut enrayer.

Il aurait été judicieux que Macron réussisse à convaincre le Médef d'un partage plus équitable des profits. Depuis 25 ans, les salariés non cadres sont les parents pauvres de l'entreprise, alors que leur contribution à la richesse produite est une évidence. 

Le président ose affirmer qu'il y a urgence sociale. Alors les mesures prises ne sont pas à la hauteur, parce qu'elles n'ont pas vocation à infléchir en quoi que ce soit la poltique à sens unique des entreprises. Dans la ligne du Médef, Macron ne veut pas responsabiliser les entreprises de l'état actuel de la France. Or ce sont bien elles qui sont la cause de la croissance des inégalités à laquelle on assiste depuis plusieurs décennies!

Malgré l'urgence sociale, Macron garde le cap : pas d'augmentation du smic payé par les entreprises, pas de retour sur la suppression de l'ISF (et même un allègement de l'exit tax vient d'être voté par le Sénat !!!), pas de supprssion de la hausse de la csg pour l'ensemble des retraités, pas de négociation en vue pour étudier les voies qui pourraient amener une hausse des bas salaires.

Et ensuite ?

La crédibilité du président français est d'ores et déjà bien entamée, en France et à l'étranger. Lui l'européen qui voulait être exemplaire pour emmener l'Europe plus loin, fait tout aussi mal que l'Italie, en voie de punition. Lui le jeune prodige que le monde admirait n'est plus qu'un président en disgrâce, rejeté par la partie la plus pauvre de son peuple. Lui qui se voulait porte-drapeau de la transition écologique se voit contraint de supprimer la taxe pour faire baisser le prix de l'essence. C'en est fini de son rêve de leadership européen.

Lui à qui tout réussissait, qui avait tout dégagé, qui avait donné un coup de vieux à tout le monde politique, lui qui se voulait jupitérien, visionnaire et guide infaillible, le voilà revenu "grosjean comme devant". Non seulement il est impopulaire, mais jamais peut-être un président n'aura déclenché autant de haine.

A-t-il compris que sa vision de l'avenir de notre société n'est pas partagée par une grande partie de la population? L'esprit start-up, le libéralisme à tout crin, la compétitivité qui justifie les bas salaires, la défense des riches et de l'enrichissement qui ruisselle, ne font pas rêver la majorité des peuples. Le culte du profit n'apporte le bonheur qu'à une poignée de personnes, les plus cupides et les moins scrupuleuses. Le capitalisme sauvage a tué le rêve.

Macron aurait pu montrer qu'il avait conscience qu'il fallait aller vers plus de justice sociale et un partage plus équitable des richesses. Rattrapage des salaires dans la durée, participation et intéressement, partage des profits plus équitable entre actionnaires, salariés, Etat, auraient pu être des voies de recherche choisies. Cela n'a pas été son option, parce qu'il est un libéral convaincu, et qu'il ne remet pas en question le fonctionnement actuel du capitalisme. Sans remettre en cause le libéralisme et la mondialisation, il aurait pu tenter de devenir l'apôtre d'un capitalisme plus humain, où l'homme, et non le profit, serait au centre.

Il ne l'a pas fait, parce que ce n'est pas sa conviction, ou parce qu'il ne voit pas les périls dans lesquels nous entraînent les dérives du système actuel. 

On voit mal dorénavant comment il pourra entreprendre les réformes qu'il entend encore faire, celles portant sur les retraites notamment. Car bien sûr, aussi juste que pourra être la réforme proposée, les privilégiés du moment perdront, et ne manqueront pas, printemps aidant, de descendre dans la rue.

Les gilets jaunes ont bel avenir.