Qui sème le vent

Le 01/03/2016

Dans Humeurs

Code travailCédant au chant d'une partie de la droite, le gouvernement s'est bien légèrement engagé dans une voie périlleuse de réforme du droit du travail au détriment des salariés. 

Un sentiment d'injustice croissant

Le Médef et la droite hors FN en avaient rêvé sans avoir jamais osé le faire, la gauche le fait.
Le discours du Médef est limpide: libérons le temps de travail, autorisez-nous à licencier quand bon nous semblera, permettez-nous de court-circuiter les syndicats rétrogrades, et nous, les entreprises, allons embaucher à qui mieux mieux!
Ben voyons ! Les 42 milliards d'allègement de charges devaient déboucher sur des centaines de milliers d'emplois. Résultat: la courbe reste désespérement plate. Oui, mais c'est parce que l'embauche dépend du carnet de commandes et pas des charges, répond le Médef, a posteriori. Mais n'est-ce pas pareil pour la facilité de licencier alors?

 

D'aventure en aventure

Le gouvernement joue Serge Lama, qui, après l'aventure de la déchéance de nationalité, se lance dans celle bien plus périlleuse de la réforme du code de travail.
D'autant qu'elle est à sens unique, puisqu'elle diminue la protection et les droits des salariés, sans instaurer d'obligations aux entreprises, qui ont pourtant montré ces dernières années des pratiques égoïstes et blamables. 
Beaucoup de français étaient sans doute prêts à discuter de certains assouplissements du droit du travail pour apporter la fameuse flexibilité présumée faciliter l'emploi. Mais depuis des années, c'est la France moyenne, les ouvriers, employés, cadres moyens, qui trinquent le plus, en voyant stagner, voire baisser, leur pouvoir d'achat. C'est elle qui, la première, est victime des licenciements économiques et des délocalisations. C'est elle qui, la première, subit la précarisation de l'emploi, l'essor des CDD et stages qui se renouvellent désespérément, et interdisent tout projet de vie. C'est à elle qu'on jette la crise en pâture pour justifier la stagnation des salaires, alors que les élites continuent à s'engraisser.
Car pendant le même temps, les rémunérations des grands patrons s'envolent, jusqu'à recevoir pour certains plusieurs millions d'euros avant même d'avoir passé le pas de la porte. Salaires mirobolants, bonus et parts variables, stock-options, parachutes scandaleusement dorés, primes de licenciement indéçantes, sont l'envers choquant de la paupérisation de la classe moyenne. Pourquoi un smicard devrait-il être satisfait de 1140€ net par mois, quand son PDG en reçoit plusieurs centaines de milliers, hors les juteux a-côtés, et qu'il se fait voter par ses camarades administrateurs des augmentations substantielles? On souhaite plafonner les indemnités de licenciement des salariés? Pourquoi ne veut-on pas en faire autant pour les rémunérations des patrons et cadres supérieurs, sans oublier les administrateurs, dont le niveau des jetons de présence a explosé ces dernières années, pour un travail qui est à démontrer, ni les actionnaires qui ont vu les dividendes s'envoler depuis dix ans. A ce qu'on sache, c'est bien la force de travail qui est la source première de l'accroissement de valeur de l'entreprise. C'est pourtant elle qui en profite le moins et qu'on paupérise.
La rigueur ne vise que les plus modestes, c'est ça qui est inacceptable et justifie le tsunami de protestation. Toujours taper sur les plus pauvres!

Prendre le bénéfice fiscal comme base de rémunération du capital

On va libérer les critères qualifiant un licenciement économique. Or on sait bien qu'une entreprise multinationale a le pouvoir de faire apparaître son bénéfice dans le pays qu'elle souhaite. Elle a aussi cette admirable capacité d'afficher un bénéfice comptable confortable, qui servira de base à la distribution de dividendes, tantièmes et autres primes, en même temps qu'un bénéfice fiscal riquiqui, voire nul, au grand dam de l'Etat qui fera tintin de l'impôt sur les sociétés. Ne pourrait-on lier les dividendes au bénéfice fiscal et à l'IS, et non au bénéfice comptable? Regardez les grandes entreprises du CAC 40, et comparez le bénfice fiscal qui sert de base à l'IS, et le comptable qui sert de base à la rémunération du capital. C'est très instructif. Pas d'IS? pas de dividendes, pas de bonus, pas de primes, pas de stock-option!

L'accroissement des inégalités brise le consensus social. L'accaparement de la richesse par les actionnaires, dirrigeants, cadres sup, est en train de déboucher sur une division sociale, qui pourrait remettre au goût du jour l'ancestrale lutte des classes.
La gauche, comme la droite classique et le Centre, ont échoué à défendre les intérêts des classes populaires, laissant le champ libre au populisme. Qui sème le vent ...