Des idées à la réalité

Le 05/03/2023

Dans Humeurs

Emmanuel Macron a de belles et grandes idées. Mais il y a loin du rêve à la réalité.

Un candidat de rupture

 

Emmanuel Macron a des idées, c'est sûr, qu'il présente dans de beaux discours parfois clivants et iconoclastes. Il se voulait un candidat président de rupture, chamboulant le jeu politique traditionnel, moderne et compétant, innovateur sur le plan sociétal. Il mettait en avant sa jeunesse, son dynamisme, son ambition européenne, une sorte de "virginité" par rapport au vieux monde politique. S'il s'est avéré un gestionnaire efficace, qu'en est-il du reste ?

Au commencement était un projet audacieux et novateur de réforme du système de retraite. Tellement qu'il s'est avéré irréalisable, et que la crise des gilets jaunes l'a fort opportunément fait disparaître. Pour le remplacer, le projet mis en oeuvre est d'une banalité désarmante, se contentant de jouer sur les deux bons vieux paramètres de l'âge légal de départ et du nombre d'années de cotisation, à l'instar des multiples réformes précédentes. Cerise sur le gâteau, il a dressé contre lui une bonne partie de la France qui travaille et la totalité des syndicats, avec le risque de bloquer la France un bon moment !

Fort de sa jeunesse et des ses sincères convictions européennes, Emmanuel Macron n'a pas réussi à bouger l'Europe autant qu'il le voulait. Si des pas ont été franchis sur le plan économique avec l'introduction de plus de souplesse en matière de déficits et d'endettement (qu'on pourrait d'ailleurs regretter plus tard), l'Europe reste sur le plan international une mosaïque d'états souverains. Son idée de défense européenne qui était un de ses pricipaux chevaux de bataille, n'a pas résisté à la guerre menée par Poutine à l'Ukraine, qui a montré que les EU restaient  la protection la plus solide de l'Europe. C'est pourquoi l'OTAN est plus que jamais ressenti comme étant le parapluie unique de protection de l'Europe.

Le président voulait rompre avec la Francafrique et la politique condesendante et mercantile pratiquée par la France envers l'Afrique depuis des décennies. Malgré les présentations des excuses de la France pour toutes les cruautés du passé - colonisation, guerres, massacres, esclavage, pillages - les relations avec les pays africains n'ont fait que se dégrader tant avec le Maroc et l'Algérie, qu'avec les pays du Sahel qu'on aidait pourtant à coup de millions et de soldats à lutter contre le djihadisme. Au point que la France est rejetée par nombre de pays, au profit de la Russie et de la Chine.
Il ne pouvait sans doute pas en être autrement pour un président européen soucieux de ne traiter qu'avec des Etats démocratiques et non corrompus. Naïveté ? 

Malgré son goût des contacts avec les gens, qu'il  a pu et su montrer à l'occasion de la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron n'a pas su se défaire de son image de président des riches qui lui colle à la peau depuis la suppression de l'impôt sur la fortune. La théorie du ruissellement n'a pas convaincu grand monde, tandis que le choix d'aider les plus modestes par des allocations de l'Etat plutôt que par une augmentation des salaires a conforté son image d'un président non sensible aux demandes  du monde du travail d'un minimum de respet et de reconnaissance.

La France, mauvais élève de l'Europe

 

Ne voulant pas mettre à contribution les entreprises afin de préserver leur compétitivité, il a fait reposer tous les efforts sur l'Etat au prix de déficits abyssaux et d'un endettement jamais vu, qui coûtera de plus en plus cher au fur et à mesure de la hausse des taux. La position de la France parmi les pays de l'UE sera un jour ternie  par ses mauvais chiffres, réduisant en conséquence son prestige et son influence. Le "quoiqu'il en coûte"  a été rendu possible par la solidité des économies de l'Allemagne et des pays du Nord, les "bons élèves" sauront le rappeler à la France le moment venu.

On peut regretter aussi que les beaux discours n'ont pas été suivis d'effets, que ce soit pour l'amélioration des grands services publics comme la santé, l'enseignement, y compris supérieur, ou pour le traitement de la situation des immigrés, des prisonniers ...

Enfin Emmanuel Macron voulait un changement de la vie démocratique, la fin des partis traditionnels, des pratiques nouvelles, plus de dialogue et de respect. Pourtant rien n' a changé sur ce point, et bien au contraire l'absence de majorité absolue au parlement nous renvoie au jeu politique de la IVè ou IIIè république. Le vieux monde est toujours bel et bien là.

Les limites de la volonté

Vouloir ne suffit pas, et la bonne volonté du président Macron se heurte à ses freins personnels, mais aussi aux corporatismes, habitudes de pensées, intérêts politiques des uns et des autres, qui font de la France un pays qui affiche une volonté permanente de changement, mais qui se dresse sur ses ergots au premier souffle de celui-ci. Si on y ajoute une appréhension viscérale à l'égard de tous les gouvernants, on comprend que gouverner la France est mission quasi impossible si on veut y changer quelque chose. 
Le miracle est qu'il y ait toujours des postulants. Le jour où la résignation aura pris le pas sur l'espoir, c'en sera fini de la démocratie.